2013
déc.
19

Un Permis Internet à contre-sens

La FADBEN condamne le programme national « Permis Internet pour les enfants », mis en place le 12 décembre 2013 par la Gendarmerie nationale et l’association AXA Prévention.

Les débats récents autour d’un Internet sécuritaire dans l’École montrent que les enseignants doivent rester vigilants sur les nombreuses politiques et questions relatives à la réglementation concernant Internet. L’École doit rapidement approfondir les relations entre la liberté d’accès à l’information, la liberté d’expression et d’autres valeurs et droits essentiels. Les programmes de l’UNESCO rappelle à l’évidence que « l’école doit privilégier les savoirs qu’il faut acquérir pour devenir des citoyens actifs pouvant jouer, apprendre et travailler dans le cyberespace de manière responsable à toute autre approche » [1].

L’action « Permis Internet pour les enfants », qui s’adresse aux professeurs des écoles, est communiquée comme « un programme pédagogique de responsabilisation des enfants et des parents pour un usage d’Internet plus vigilant, sûr et responsable ». Il s’agit de proposer quelques séances « clé en main », présentées dans un kit mis en place et financé par AXA Prévention, avec pour finalité un permis Internet remis aux élèves de CM2. L’approche proposée ici, essentiellement sécuritaire et réglementaire, a une finalité préventive.

La symbolique du permis renvoie à des usages normés, formatés, conventionnels, pris en charge par le Ministère de l’Intérieur. Les notions de prévention et de responsabilisation, politiquement corrects, renvoient au souci d’une protection et d’une idée de bon sens, portées par l’association AXA Prévention. Notons que cette structure, si elle peut se targuer d’être une association de loi 1901, n’en dépend pas moins clairement de la compagnie d’assurances AXA, avec une campagne de communication et de publicité qu’il est surprenant de voir ainsi légitimée par l’Institution, en particulier par le Ministère de l’Intérieur mais aussi, même s’il n’est pas directement cité, par le Ministère de l’Éducation.

Il est important de souligner qu’on ne peut se satisfaire d’usages normés sur l’effet de peur qui viendraient, seuls, légitimer le développement d’un souci de protection dans un cadre scolaire. En effet, contre une approche strictement anxiogène basée sur la peur du Mal, très basique en ce qu’elle s’adresse à l’instinct, la FADBEN défend, tout comme les grands acteurs du monde éducatif, une approche pédagogique intelligente : la réflexion autour des usages plutôt que leur formatage, l’appropriation des notions associées aux usages numérique plutôt que leur cadrage moral. Il est ainsi essentiel de développer des apprentissages qui permettent aux élèves de comprendre et de développer ensemble leur propre responsabilité, ce que ne permet pas cette action du Permis Internet.

La FADBEN défend la mise en place d’un véritable enseignement de l’information et des médias, de la maternelle à l’université. L’inscription, dans la loi d’orientation et de programmation pour la Refondation de l’École de la République, d’une « éducation aux médias et à l’information » peut être un moyen de parvenir à développer des formations pour les enseignants, du primaire comme du secondaire, qui leur permettent de prendre en charge ces apprentissages sans dépendre de dispositifs commerciaux et/ou associatifs qui ne sont pas conçus par des professionnels actifs du monde de l’éducation.

Cette action « Permis Internet » apparaît comme un frein au développement de ces apprentissages, par une approche qui risque fort de s’avérer contre-productive : les élèves ayant obtenu leur « permis de surfer » resteront-ils ensuite réceptifs à de réels apprentissages critiques ? Il ne peut pas davantage être entendu que « c’est mieux que rien », dans la mesure où cette action n’apporte rien d’autre aux élèves qu’une sensibilisation superficielle basée sur la peur du numérique, qui existe déjà peu ou prou depuis quelques années, sans appropriation ni réflexion permise autour des usages quotidiens du numérique.

Documents


PDF - 103.9 ko
  • RESTEZ
    CONNECTé