2025
mai
12

Réforme du CAPES : alerte sur la Documentation

Communiqué de l’A.P.D.E.N.

Le 17 avril, un décret et un arrêté concernant les nouvelles conditions de recrutement et de formation des corps enseignants ont été publiés par le gouvernement [1]. L’A.P.D.E.N., Association des Professeurs Documentalistes de l’Éducation nationale, souhaite alerter du risque de fragilisation de la formation des professeur·es documentalistes que pourrait comporter cette réforme et de ses conséquences sur la qualité des apprentissages apportés aux élèves du secondaire.

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Des enjeux éducatifs majeurs

La complexité des phénomènes informationnels et communicationnels actuels, en constante évolution, constitue un enjeu essentiel pour notre société. La maîtrise de l’information, de l’accès à la production, demande également une bonne compréhension des mondes médiatiques et numériques et participe de la vie personnelle, culturelle, politique et économique de toute personne comme le montrent nombre d’études scientifiques.

Le développement continu du Web s’accompagne d’une croissance de la désinformation ; l’intérêt pour les réseaux sociaux suppose une approche critique d’autant plus cruciale que la diversité des contenus et de leur qualité induit des compétences accrues, notamment, mais pas seulement, chez les plus jeunes ; les premiers pas publics de l’intelligence artificielle générative conduisent à une nouvelle révolution numérique, concernant aussi bien le rapport aux informations disponibles que leur production. Ces questions récentes rejoignent des enjeux de culture informationnelle étudiés depuis plusieurs décennies par les Sciences de l’information et de la communication (SIC).

Une évolution favorable jusqu’en 2017 pour la culture de l’information et des médias

La recherche, la société civile et le Ministère de l’Éducation nationale s’accordent depuis plusieurs années sur le besoin de former les élèves du secondaire pour répondre à cette réalité, même si de profondes divergences persistent notamment pour les préconisations. S’appuyant sur les études scientifiques, mais avec un ancrage économique et politique, l’UNESCO présente régulièrement des propositions intéressantes et concrètes pour des approches pédagogiques substantielles [2].

En France, les politiques successives ont posé quelques jalons pour mettre en œuvre dans l’Éducation nationale des apprentissages répondant à ces enjeux : mentionnons l’affirmation progressive du caractère enseignant des professeur·es documentalistes, ou la publication en 2017 du référentiel en Éducation aux médias et à l’information, première étape vers un programme, que les compléments apportés en 2024 en EMC ne peuvent satisfaire pleinement.

Par la richesse de ses pratiques et des questionnements dont elle fait preuve, la jeunesse témoigne pourtant de son intérêt, mais également de son appétit de connaissances en la matière. Les professeur·es documentalistes, fort·es de leur expertise en SIC et des missions qui leurs sont confiées, sont des contributeur·ices cruciaux·les et reconnu·es pour la construction de la culture informationnelle des élèves et à l’Éducation aux Médias et à l’Information dans le secondaire.

Une réforme du CAPES Documentation qui réduit la place des SIC

La présente réforme du recrutement et de la formation initiale se doit de répondre à ces enjeux et d’offrir aux futur·es enseignant·es documentalistes une formation à la hauteur. Or, en l’état, la réduction de la place des Sciences de l’information et de la communication, discipline académique de référence des professeur·es documentalistes, dans les épreuves d’admission du CAPES Documentation, au profit des Sciences humaines et sociales ou de connaissances du système éducatif, laisse peu de place à la maîtrise des savoirs académiques dans le recrutement des candidat·es. La configuration de ces épreuves perturbe la lisibilité des missions réelles aux yeux des futur·es enseignant·es, pérennisant une confusion problématique sur les missions des professeur·es documentalistes. De plus, un recrutement à bac +3 donne la possibilité de parcours universitaires initiaux multiples, mais en l’état n’apporterait pas le bagage disciplinaire en SIC requis.

Enfin, la formation en 1re et 2e année de Master devra apporter à l’ensemble des lauréat·es l’assurance et les pleines compétences disciplinaires, pédagogiques et techniques pour une maîtrise experte de leur enseignement en information-documentation et contribution à l’EMI, de la gestion des CDI ou de leur participation à l’ouverture sur l’environnement éducatif, culturel et professionnel des établissements. Or, au vu du décret publié, la proportion importante d’heures consacrées aux stages en observation ou en responsabilité ainsi que l’absence de production de mémoire de recherche ne nous paraissent pas construire les conditions nécessaires pour répondre de façon réaliste et sereine aux objectifs d’une formation initiale.

Pour un recrutement et une formation à la hauteur des enjeux

Nous appelons ainsi les différent·es acteurs et actrices de cette réforme, Ministère de l’Éducation nationale, Universités, Inspé, à œuvrer de concert et apporter les moyens nécessaires pour répondre à cet enjeu et pour cela :

  • ancrer pleinement en SIC les sujets des épreuves d’admissibilité au concours du Capes Documentation pour une représentation pleine et entière des missions propres aux professeur·es documentalistes ;
  • aménager des parcours universitaires en SIC spécifiques au Capes Documentation et à l’exercice du métier, notamment en Licence ;
  • construire une formation initiale pour les professeur·es documentalistes à la hauteur de l’expertise nécessaire à l’exercice de toutes leurs missions, avec des maquettes de formation en Master qui font une place centrale à la recherche en SIC et à la pédagogie ;
  • donner accès à ce métier à un large vivier d’étudiant·es par une couverture territoriale dense des offres de formations universitaires et dans un maximum d’Inspé.

Enfin nous renouvelons notre demande d’une formalisation des contenus d’enseignement qui relève du domaine de spécialité des professeur·es documentalistes, conçue avec la contribution d’enseignant·es chercheur·euses en SIC, basés sur des savoirs construits pour une culture informationnelle, médiatique, numérique ambitieuse et critique pour l’ensemble des élèves du secondaire. Cet appel pour un recrutement et une formation à la hauteur des enjeux, pour une responsabilité enseignante garantissant le développement d’une culture de l’information et des médias, suppose une ambition nouvelle en la matière, à la suite de textes prometteurs en 2015 et 2017, qu’il convient de fortifier sans plus attendre, et va de pair avec un nombre sensiblement accru de postes ouverts aux concours de Documentation.

Notes

[1Décret n° 2025-352 du 17 avril 2025 modifiant les conditions de recrutement et de formation des corps enseignants, du personnel d’éducation et des maîtres de l’enseignement privé sous contrat du ministère chargé de l’éducation nationale, sur https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051490773 Et Arrêté du 17 avril 2025 fixant les modalités d’organisation du concours externe du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, sur https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051491230

[2Voir les publications et ressources à ce sujet sur : https://www.unesco.org/en/media-information-literacy/resources?hub=750

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