2020
mai
8

Professeur.e.s documentalistes et CDI après le 11 Mai : recommandations et protocoles

Depuis le début du confinement, nous, professeur.e.s documentalistes, développons un travail essentiel, comme l’ensemble des personnels enseignants, pour permettre aux élèves de poursuivre des activités d’apprentissage et pour développer et organiser l’accès à des ressources pédagogiques, culturelles et informatives de qualité. Ce travail à distance n’est pas sans mettre en exergue les difficultés de la profession, mais aussi sa capacité à s’adapter à cette crise sanitaire. A l’approche d’une sortie de ce confinement, hormis les questions sanitaires générales, beaucoup de questions spécifiques émergent, non sans certaines craintes tout à fait fondées.

A partir d’observations, de réactions et d’échanges au sein de la profession, l’A.P.D.E.N. propose quelques éléments pour soutenir l’action des professeur.e.s documentalistes pendant cette période délicate, accompagner le retour dans les établissements et définir quelques conditions pour cette rentrée. Rappelons que l’A.P.D.E.N. n’a pas à se prononcer sur le bien-fondé ou non des mesures de déconfinement et la reprise des cours mais émet de sérieuses réserves sur les conditions de reprise en se basant sur les analyses scientifiques à sa disposition. Ces propositions s’appuient notamment sur le travail des associations de bibliothèques [1], sur le protocole du Ministère de l’Éducation nationale [2] et sur la circulaire relative à la réouverture des écoles et établissements et aux conditions de poursuite des apprentissages [3].

Un fonctionnement réduit du CDI jusqu’en septembre

Les questions liées à une sortie du confinement sont nombreuses. Parmi elles, l’ouverture du Centre de documentation et d’information, qui paraît particulièrement difficile. Ce choix, au regard du faible taux de personnes qui ont été atteintes par le Covid-19, peut être un risque important pour une recrudescence du nombre de cas. Il est donc nécessaire de poser un regard très prévoyant dans ce contexte, d’autant plus que les avis du Conseil scientifique poussent à la prudence, celui-ci préconisant dans un avis du 20 avril 2020, « de maintenir les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités fermés jusqu’au mois de septembre ». 

Les préconisations du Conseil scientifique, au 24 avril 2020, sont de maintenir les classes dans une même salle de classe, toute la journée, pour limiter les déplacements, si bien qu’il peut être pertinent d’éviter l’accueil de groupes-classes au CDI pendant cette période, le ou la professeur.e documentaliste pouvant intervenir dans les salles de classe pour les enseignements en information-documentation et en éducation aux médias et à l’information (EMI), en suivant les mêmes préconisations que les autres enseignants.

Le protocole pour le 2nd degré, concernant les collèges et lycées, présente également pour principes généraux notamment qu’il faut « limiter au maximum le brassage des élèves », ce qui suppose de limiter l’accès au CDI aux élèves d’une même classe, en tout cas sans maintenir l’usage d’un lieu ouvert à toutes et tous. Partout il faut respecter la distanciation physique d’au moins un mètre, avec par ailleurs le principe de 4 m2 par élève.

Il faut, toujours selon le protocole, pour une salle de classe, « neutraliser le mobilier et matériel non nécessaire (le mobilier neutralisé peut être matérialisé par une signalétique ou balisage) », et « limiter les déplacements » (p. 26). On doit par ailleurs « veiller à limiter les croisements à l’intérieur de la classe, par exemple par la mise en place d’un sens de circulation qui peut être matérialisé au sol », et assurer 15 minutes d’aération en début de journée. On maintient les portes ouvertes, si ce n’est les portes coupe-feu (p. 29). Il ressort des fiches relatives à l’aménagement des classes et à la gestion des circulations, que le CDI peut être utilisé comme une salle de classe pour une division précise, mais en rien comme une salle accueillant différents groupes-classes. Et dans ce cas d’autres salles de l’établissement doivent pouvoir remplir ce rôle, de manière à laisser le champ libre aux professeur.e.s documentalistes pour leurs tâches de gestion particulièrement importantes en fin d’année scolaire.

Selon le protocole, on doit « adapter le fonctionnement des salles informatiques, CDI et foyers en mettant à disposition du gel hydroalcoolique à l’entrée et en libre-service, en permettant de respecter la distanciation physique et en limitant le brassage. Assurer une désinfection régulière adaptée. » (p. 38) Il est difficile de comprendre pourquoi chacun des trois espaces cités ne fait pas l’objet d’un paragraphe spécifique. On note une contradiction avec les principes énoncés par ailleurs, sans qu’on sache si le « fonctionnement » d’un CDI est connu des rédacteurs du protocole, de même que celui des foyers. Il est demandé de « proscrire le prêt de matériel en dotation collective, ou assurer une désinfection régulière adaptée » (p. 38) et de « vérifier que le matériel et outils pédagogiques collectifs ne soient pas directement accessibles par les élèves » (p. 39). Cette fermeture concerne bien sûr aussi les temps de récréation, sur lesquels le protocole demande de « condamner l’accès aux espaces collectifs intérieurs pour limiter le brassage entre les groupes d’élèves. » (p. 35)

Il peut être nécessaire de restreindre l’usage du CDI à la gestion et à la mise en valeur de documents en ligne, à la réception de documents empruntés, qui seront alors « mis en quarantaine ». En l’état des connaissances, le virus peut persister environ trois à neuf jours sur le plastique, un à trois jours sur le papier [4]. La mise en quarantaine durera donc dix jours pour les documents couverts et de manière générale pour tout document en plastique ou plastifié, sauf désinfection des couvertures avec une lingette imprégnée d’éthanol ou isopropanol à 70% suivie d’une mise en quarantaine de 3 jours avant réintégration en rayonnages, afin de s’assurer que le virus n’est plus viable sur les surfaces papier. Pour les documents non plastifiés, la mise en quarantaine sera de trois jours, sans nécessité de désinfection des documents avant leur mise en rayonnage.

Une quarantaine doit aussi pouvoir être respectée pour les commandes reçues, avec dix jours d’attente avant ouverture d’un carton. Quand plusieurs personnels travaillent au CDI, il est recommandé de manipuler les documents des mêmes rayons, avec la recommandation d’une responsabilité par espaces différenciés pour la gestion.

Nous recommandons de ne permettre le prêt que sur réservation, avec demande de documents par messagerie ou par le système de réservation du catalogue documentaire, les documents pouvant alors être remis aux élèves (en allant le distribuer dans leur classe, dans la mesure du possible). Cela suppose un volume raisonnable de prêts, pour éviter les risques, à mesurer selon chaque établissement. Il convient en outre de faire preuve d’une grande tolérance au sujet des retards, avec des rappels possibles certes, mais en demandant aux élèves de faire au mieux, et sans procédure de facturation par l’intendance avant la sortie de la crise et une mise à plat alors des procédures. Les documents "en quarantaine" peuvent être objet de cette mention sur le catalogue du CDI.

Toute cette organisation suppose d’avoir les moyens nécessaires pour respecter les mesures d’hygiène, avec des produits de nettoyage adaptés pour les différentes surfaces, du gel hydroalcoolique pour les mains (en privilégiant le nettoyage des mains au savon et à l’eau quand c’est possible, pour préserver l’épiderme), des masques et des gants à usage très limité dans le temps. Cela suppose également des poubelles spécifiques, avec sac, pour ces produits quand ils doivent être jetés, poubelles vidées au moins chaque jour.

Quant aux manuels scolaires dont la gestion, nous le rappelons, ne relève pas de nos missions, nous recommandons au personnel qui s’en occupe de maintenir leur retour à la veille des vacances d’été, sur des plages horaires suffisamment larges, idéalement dans plusieurs salles, mais avec un passage pour que les élèves déposent eux-mêmes leurs manuels, avec un personnel tournant à l’entrée pour simplement visualiser que tous les manuels sont bien rendus par chaque élève. Aucune manipulation des manuels ne doit être faite avant le mois de septembre, afin d’éviter tout risque inutile de contamination.

La continuation du travail pédagogique à distance et de la mise en valeur de ressources

L’A.P.D.E.N. recommande de privilégier le télétravail, en respect des préconisations du Conseil scientifique et des associations professionnelles des bibliothèques, tant qu’il est possible et soutenu par l’absence d’accueil d’élèves au CDI et quand le ou la professeur.e documentaliste n’a pas de séances d’enseignement à mener. Le protocole du Ministère conduit à « réduire l’effectif présent en continuant le télétravail pour une partie du personnel quand cela est possible » (p. 47). Si les professeur.e.s documentalistes peuvent travailler dans un CDI fermé, on peut entendre qu’ils ne soient pas présents tout le temps et fassent une partie de leur service en télétravail, selon la nature du travail à effectuer, outre la possibilité pour beaucoup de travailler avec les élèves en distanciel pour l’information-documentation et l’éducation aux médias et à l’information.

Rappelons ici l’importance du respect du confinement, toujours, pour les personnes à risque de développer une forme grave d’infection ou ayant une telle personne dans leur entourage proche. Dans ce cas il faut transmettre un avis médical établi par un médecin traitant sans diagnostic mentionnant que l’on relève de l’une des situations à risque à son supérieur hiérarchique direct, à savoir le chef d’établissement. Les procédures peuvent varier d’une académie à l’autre. La liste des personnes fragiles est disponible sur https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/article/coronavirus-qui-sont-les-personnes-fragiles La circulaire ministérielle du 4 mai précise que « les personnels qui ont une vulnérabilité de santé au regard du virus Covid-19 ou qui vivent avec une personne ayant cette vulnérabilité ne doivent pas être présents aux mois de mai et juin. [...]. Leur autorité hiérarchique leur indique alors s’ils continuent de s’occuper de leur classe à distance ou s’ils prennent en charge un groupe d’élèves qui ne peut pas se rendre à l’école pour des raisons de santé. » [5]

Sans préjuger des résultats d’une investigation plus approfondie qu’il reste à mener, il apparaît qu’un nombre non négligeable de professeur.e.s documentalistes ont eu la possibilité, quand ils le souhaitaient, de mettre en œuvre des séquences pédagogiques à distance avec les élèves. D’autres, en revanche, ont relevé que l’information-documentation ou l’éducation aux médias et à l’information restaient des domaines considérés comme accessoires, vis-à-vis de disciplines dites classiques. La difficulté étant déjà de toucher tous les élèves, en temps normal, la « continuité pédagogique », dans ces domaines, aussi importante soit-elle, s’est heurtée à de nouveaux obstacles, avec pour conséquence, parfois, le choix de réduire l’effort pendant cette crise, ou de mettre cet enseignement en attente de jours meilleurs. 

Force est de constater que, sur plusieurs aspects, l’effort d’enseignement est pourtant nécessaire en la matière. Cette période le révèle encore, par une recrudescence de la désinformation, du complotisme et un questionnement continuel sur l’objectivité ou la subjectivité de tel ou tel média, par exemple. Le recours massif et quasi exclusif au numérique ne fait que souligner l’importance d’une acculturation de tous les élèves aux problématiques soulevées par le numérique et son impact sur le devenir de nos sociétés. Le Ministère de l’Éducation nationale souligne l’importance de ces apprentissages, mais sans citer les professeur.e.s documentalistes, dans deux fiches proposées dans le cadre de la sortie du confinement [6]

Le troisième trimestre étant par ailleurs celui des bilans et de l’élaboration des projets - malgré toute la difficulté qu’il y a actuellement à se projeter dans les mois à venir - les professeur.e.s documentalistes auront certainement à y consacrer une part non négligeable de leur temps de travail.

En complément du fort investissement déployé en cette période pour la prise en main des nouvelles versions des portails documentaires, les collègues peuvent bénéficier, quand la situation personnelle le permet, à domicile, de formations professionnelles en ligne. Elles permettent une auto-formation importante pour reprendre le travail pédagogique, notamment info-documentaire, à la rentrée prochaine. Saluons dans ce cadre la démarche de l’ENSSIB, école nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, à Lyon, qui ouvre ses ressources et contenus de formation pendant la crise, avec des accès depuis la page suivante : https://www.enssib.fr/ouverture-ressources-Enssib

Dans le même ordre d’idées, plusieurs cours en ligne disponibles sur la plateforme Fun Mooc représentent une ressource extrêmement intéressante pour notre profession : Protection de la vie privée dans le monde numérique ; Il était une fois la littérature pour la jeunesse ; Apprenez à contribuer sur Wikipédia... Il est à noter que ces formations peuvent donner lieu, sous certaines conditions, à la délivrance d’attestations de réussite : https://www.fun-mooc.fr/

Par ailleurs, l’A.P.D.E.N. rappelle qu’elle met à disposition un outil professionnel essentiel pour l’information-documentation, le Wikinotions Info-doc, accessible sur http://wikinotions.apden.org et qui permet de travailler autour de la didactique et de la pédagogie dans notre domaine d’enseignement, avec plus de 100 notions traitées, et quantité de ressources référencées. 

Ce peut être aussi l’occasion de se plonger ou de se replonger dans plusieurs publications de l’association professionnelle, sur le site web d’une part, avec des articles de la revue professionnelle Mediadoc accessibles gratuitement, d’autre part
 [7].

Pour un retour réfléchi et prudent sur le lieu de travail

Rappelons avec force que nous professeur.e.s documentalistes avons « la responsabilité du centre de documentation et d’information », comme l’affirme notre circulaire de mission [8]. Nous engageons les professeur.e.s documentalistes concernés par des abus à les signaler à leur inspection en informant systématiquement leur syndicat et l’association professionnelle académique dans chaque situation.

Il est primordial que les professeur.e.s documentalistes soient directement associés aux discussions nationales, académiques et locales relatives à la sortie du confinement. L’A.P.D.E.N. veillera à ce que les questionnements des professeur.e.s documentalistes soient entendus. Il est essentiel que la réflexion continue, dans le dialogue, pour rendre possible la continuation de notre travail pédagogique et de gestion, ainsi que notre contribution à l’ouverture culturelle des élèves.

Notes

[1On trouve les préconisations détaillées de l’ABF et de cinq associations sur : http://www.abf.asso.fr/fichiers/file/ABF/prises_position/recommandations_deconfinement_bibliotheques.pdf

[7-*

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