2017
juin
30

Prof doc : un nouveau cadre réglementaire

Mémo à l’usage de la profession

Alors que le cadre réglementaire de définition et d’exercice de la profession est aujourd’hui entièrement refondu et que des avancées importantes peuvent être actées, les interprétations abusives et la résistance du système restent fortes. Après la parution des textes et leur entrée en vigueur, vient le temps de leur mise en œuvre. La mobilisation et la solidarité d’une profession qui fait front sont et seront, dans la période qui s’annonce, notre meilleure arme pour faire valoir nos droits. L’A.P.D.E.N. met aujourd’hui à la disposition des professeurs documentalistes une synthèse argumentée, accompagnée d’un mémo imprimable, afin de soutenir chacun.e dans les situations de dialogue professionnel de fin d’année, puis de rentrée, avec les différents membres de la communauté éducative de son établissement scolaire.

Cliquez sur l’image pour télécharger le mémo imprimable

Intitulé du métier

La circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 relative aux missions des professeurs documentalistes abroge la circulaire n° 86-123 du 13 mars 1986 définissant les missions des “personnels exerçant dans les CDI” (B.O. n°12 du 27 mars 1986) et instaure l’intitulé officiel du métier de “professeur documentaliste”, en lieu et place de tout autre, conformément aux dispositions statutaires du décret n°2014-940 du 20 août 2014 et de sa circulaire d’application, qui définissent désormais le statut des professeurs documentalistes au sein de dispositions communes à celles de leurs homologues des autres disciplines. Ainsi, nous vous conseillons de :

  • Demander une mise à jour rapide des documents administratifs et d’information (la liste du personnel de l’EPLE par exemple), à tous les niveaux administratifs concernés ;
  • Être vigilant.e à ce sujet dans tous les éléments de communication institutionnels à venir ;
  • Exiger une mise en conformité des outils de gestion professionnels numériques (ENT, Pronote...) : le professeur documentaliste doit avoir accès à l’ensemble des applications (accès aux informations pédagogiques, aux emplois du temps, évaluation des élèves...), au même titre que les autres professeurs.

Statut

Le professeur documentaliste est, sans ambiguïté, un enseignant, en termes de droit professionnel. Les textes officiels qui régissent la profession le définissent clairement :

  • Le titre III de l’article 2 du décret n°2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré abroge le décret de 1950 qui définissaient auparavant le statut des enseignants. Le nouveau texte inclut les professeurs documentalistes dans un texte commun à tous les autres enseignants ; dans les dispositions relatives aux professeurs documentalistes, le législateur a, par ailleurs, fait le choix du terme “professeurs de la discipline de documentation”.
  • L’arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation précise en annexe :
    • des compétences communes à tous les professeurs et personnels d’éducation (compétences 1 à 14),
    • des compétences communes à tous les professeurs (compétences P1 à P5),
    • des compétences spécifiques aux professeurs documentalistes (compétences D1 à D4), introduites par la mention “Outre les compétences qu’ils partagent avec l’ensemble des professeurs, telles qu’elles sont énoncées ci-dessus, ils maîtrisent les compétences spécifiques ci-après”.
  • Cette architecture est confirmée dans le préambule de la circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 définissant les missions des professeurs documentalistes :

    “Conformément à l’arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation, les professeurs documentalistes exercent leur activité dans l’établissement scolaire au sein d’une équipe pédagogique et éducative dont ils sont les membres à part entière. À ce titre, ils partagent les missions communes à tous les professeurs et personnels d’éducation. Ils ont également des missions spécifiques. Ils ont la responsabilité du centre de documentation et d’information (CDI), lieu de formation, de lecture, de culture et d’accès à l’information. Ils forment tous les élèves à l’information documentation et contribuent à leur formation en matière d’éducation aux médias et à l’information.”

  • La circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 définissant les missions des professeurs documentalistes actualise d’autre part l’intitulé du métier, à présent officiellement “professeur documentaliste”, et rappelle en préambule “l’existence du Capes de documentation” avant de formaliser les trois axes de sa mission comme suit :

    “Le professeur documentaliste est enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par les élèves d’une culture de l’information et des médias, maître d’œuvre de l’organisation des ressources pédagogiques et documentaires de l’établissement et de leur mise à disposition, et il est acteur de l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel.”

Ce statut et cette identité enseignante impliquent que le professeur documentaliste n’a de lien hiérarchique qu’avec son chef d’établissement au sein de l’EPLE, et avec son inspection de tutelle au-delà : ni les services gestionnaires, ni les membres de la vie scolaire, ni les services du rectorat (DANE...) n’ont de légitimité à intervenir sur les missions et la pratique professionnelle du professeur documentaliste, ce qui n’exclut naturellement pas une concertation de pair à pair, en bonne intelligence.

Obligations de service

Les obligations de service du professeur documentaliste sont définies par le décret n°2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré :

Par dérogation aux dispositions des I et II du présent article, les professeurs de la discipline de documentation et les professeurs exerçant dans cette discipline sont tenus d’assurer :

  • un service d’information et documentation, d’un maximum de trente heures hebdomadaires.
    Ce service peut comprendre, avec accord de l’intéressé, des heures d’enseignement. Chaque heure d’enseignement est décomptée pour la valeur de deux heures pour l’application du maximum de service prévu à l’alinéa précédent ;
  • six heures consacrées aux relations avec l’extérieur qu’implique l’exercice de cette discipline.

Le chef d’établissement n’a pas légitimité à demander de justification sur l’usage fait de ces six heures, pas plus qu’il n’est habilité à exiger qu’elles soient effectuées dans l’établissement ou au CDI. En cas d’injonction de ce type, appuyez-vous sur le texte du décret précité, et demandez à votre interlocuteur de fournir un texte contradictoire qui vous imposerait cette justification, ou exigerait l’inclusion de ces six heures dans votre temps de présence dans l’établissement.

D’autre part, votre année scolaire commence et se termine aux mêmes dates que celles de vos collègues enseignants, vous n’êtes en aucun cas tenu.e d’assurer de service de vacances, semaine administrative ou rentrée anticipée. La circulaire n°96-122 du 29 avril 1996 relative à l’organisation du service dans les établissements publics d’enseignement et de formation pendant les congés scolaires précise les catégories de personnels concernés par ces permanences :

Les personnels astreints, dans chaque établissement, au service de vacances sont :

  • les personnels de direction, constitués du chef d’établissement, de son ou de ses adjoints, ainsi que du directeur adjoint chargé de la section d’éducation spécialisée, si celle-ci existe ;
  • Les personnels administratifs ;
  • Les personnels d’éducation : conseillers et conseillers principaux d’éducation ;
  • Les maîtres d’internat et surveillants d’externat ;
  • Les personnels ouvriers et de laboratoire.

Les fonctionnaires ou agents chargés de l’une des fonctions ainsi énumérées, sans être titulaires du grade correspondant, sont redevables du même service que les titulaires. Par ailleurs, le fait de ne pas bénéficier de l’attribution d’un logement de fonction ou de ne pas occuper un tel logement n’exonère pas de cette obligation de permanence.

Cas échéant, faites immédiatement appel à votre syndicat en prenant soin de placer l’association professionnelle en copie, et reportez-vous aux conseils professionnels généraux proposés en fin de ce mémo.

Heures d’enseignement

La circulaire n°2015-057 du 29 avril 2015 portant sur les missions et obligations réglementaires de service des enseignants des établissements publics d’enseignement du second degré vient préciser les termes du décret n°2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré, précédemment cité dans la partie Obligations de service.

Elle indique que “concernant les professeurs documentalistes, le décret n’opère pas de distinction entre les enseignants des différents corps qui peuvent être chargés, avec leur accord, de fonctions de documentation et ceux ayant été recrutés par la voie du CAPES de documentation. [...] Les 30 heures peuvent comprendre, avec leur accord, des heures d’enseignement telles que définies au 1 du B du I de la présente circulaire. Chacune d’elle est alors décomptée pour la valeur de 2 heures. Les intéressés ne peuvent bénéficier d’heures supplémentaires.”

Ladite circulaire précise également que “les heures d’enseignement correspondent aux heures d’intervention pédagogique devant élèves telles qu’elles résultent de la mise en œuvre des horaires d’enseignement définis pour chaque cycle […]. Toutes ces interventions sont prises en compte [...] quel que soit l’effectif du groupe d’élèves concerné. Il n’est plus, désormais, opéré de distinction selon la nature des enseignements [...], leur caractère [...] ou la dénomination du groupe d’élèves y assistant (classes, groupes, divisions). Dans ce cadre sont décomptées pour une heure de service d’enseignement : chaque heure d’accompagnement personnalisé en lycée ou en classe de 6e au collège ; chaque heure de travaux personnels encadrés en lycée.” Attention : la circulaire concerne les dispositions applicables à tous les enseignants, dont les professeurs documentalistes ; cette définition des heures d’enseignement s’applique donc à tout professeur, et les deux exemples donnés en fin de paragraphe ne peuvent par conséquent en aucun cas être compris comme limitatifs.

La circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 définissant les missions des professeurs documentalistes prévoit quant à elle des modalités d’action multiples : “le professeur documentaliste peut intervenir seul auprès des élèves dans des formations, des activités pédagogiques et d’enseignement, mais également de médiation documentaire, ainsi que dans le cadre de co-enseignements, notamment pour que les apprentissages prennent en compte l’éducation aux médias et à l’information. [...] Le professeur documentaliste participe aux travaux disciplinaires ou interdisciplinaires qui font appel en particulier à la recherche et à la maîtrise de l’information.”

Domaine d’enseignement

La question du décompte des heures ne peut s’envisager sans une définition du domaine d’enseignement du professeur documentaliste. En effet, l’argument selon lequel ce décompte ne pourrait s’appliquer que pour un enseignement dispensé dans les "autres" disciplines n’a pas de validité au regard des textes : l’institution, à travers une série de mentions explicites, charge bien le professeur documentaliste d’un enseignement ; réglementairement dû à tous les élèves bien que sans horaire défini, il a vocation à être dispensé selon une progression, et porte sur les objets relevant de son expertise spécifique en information documentation. Ainsi, la circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 définissant les missions des professeurs documentaliste précise en préambule que ces derniers doivent “forme[r] tous les élèves à l’information documentation et contribue[r] à leur formation en matière d’éducation aux médias et à l’information.”

Elle stipule également que “le professeur documentaliste contribue à l’acquisition par les élèves des connaissances et des compétences définies dans les contenus de formation (socle commun de connaissances, de compétences et de culture, programmes et référentiels), en lien avec les dispositifs pédagogiques et éducatifs mis en place dans l’établissement, dans et hors du CDI.” Le professeur documentaliste est, au-delà de cette mention générale applicable au collège comme aux lycées, explicitement chargé d’enseigner certains éléments des programmes de collège :

  • Programmes du cycle 3 - BO spécial n°11 du 26 novembre 2015, volet 2 : contributions essentielles des différents enseignements au socle commun, domaine 2 (méthodes et outils pour apprendre) : “le professeur documentaliste intervient pour faire connaître les différents modes d’organisation de l’information (...) et une méthode simple de recherche d’information.”
  • Programmes du cycle 3 - BO spécial n°11 du 26 novembre 2015, volet 3 : les enseignements, Français, croisement entre les enseignements : culture littéraire et artistique : “Outre la recherche d’informations, le traitement et l’appropriation de ces informations font l’objet d’un apprentissage spécifique (...) En 6e, le professeur documentaliste est plus particulièrement en charge de ces apprentissages, en lien avec les besoins des différentes disciplines.”
  • Programmes du cycle 4 - BO spécial n°11 du 26 novembre 2015, volet 3 : les enseignements, Éducation aux médias et à l’information : “Tous les professeurs dont les professeurs documentalistes veillent collectivement à ce que les enseignements dispensés en cycle 4 assurent à chaque élève :

    - une première connaissance critique de l’environnement informationnel et documentaire du XXIè siècle,
    - une maîtrise progressive de sa démarche d’information, de documentation,
    - un accès à un usage sûr, légal, et éthique des possibilités de publication et de diffusion.”

Participation à l’évaluation

Partant de ces dispositions réglementaires, le professeur documentaliste, comme tout enseignant, a toute légitimité à "évaluer les progrès et acquisitions des élèves" tout au long de leur scolarité et lors des examens validant l’obtention de diplômes, conformément à la compétence P5 de l’arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation. Pour faire valoir ce droit, plusieurs textes peuvent être convoqués, dont aucun n’exclut le professeur documentaliste, par conséquent indiscutablement concerné par ces dispositions :

  • Le décret n°2015-1929 du 31 décembre 2015 relatif à l’évaluation des acquis scolaires des élèves et au livret scolaire, à l’école et au collège souligne, dans l’article 10, que “l’évaluation des acquis de l’élève, menée en référence au socle commun de connaissances, de compétences et de culture pour le collège, est réalisée par les enseignants, avec, le cas échéant, la collaboration de l’équipe éducative. Elle a pour fonction d’aider l’élève à progresser et de rendre compte de ses acquis.” Une précision est apportée, dans l’article 19, sur l’évaluation des classes de quatrième et de troisième réalisée par l’équipe pédagogique, sans distinction aucune entre le professeur documentaliste et ses collègues.
  • La note de service n°2016-063 du 6-4-2016 relative aux modalités d’attribution du diplôme national du brevet à compter de la session 2017 revient sur la composition du jury de l’épreuve orale dans lequel le professeur documentaliste a toute légitimité à interroger et évaluer les élèves :

    “Le chef d’établissement établit la composition des jurys. Il tient compte, pour ce faire, des dominantes des projets présentés. L’établissement suscite autant que possible la représentation de toutes les disciplines dans ses jurys. Chaque jury est constitué d’au moins deux professeurs. Pour les candidats présentant un projet mené dans le cadre d’un enseignement pratique interdisciplinaire “Langues et cultures étrangères ou, le cas échéant, régionales” et qui souhaitent effectuer une partie de leur prestation dans une langue vivante étrangère ou régionale, le chef d’établissement s’assure de la participation au jury d’un enseignant de la langue concernée.”

  • Pour la session 2017, des cadrages académiques (à Bordeaux, Poitiers, Limoges par exemple) sur la constitution des jurys pour l’épreuve orale du DNB, déclinant un "aide-mémoire" issu des services nationaux du Ministère, ont précisé que les jurys de l’épreuve orale “sont composés d’au moins deux professeurs d’enseignement disciplinaire [auxquels] il est possible d’adjoindre d’autres membres (CPE, professeur documentaliste…).” Cette restriction abusive avait déjà été mise en œuvre concernant les jurys de TPE, depuis quelques années (dans l’académie de Rennes par exemple). Il est utile de rappeler ici que seule la note de service précitée est juridiquement valable.
  • Au niveau du lycée, la note de service n°2005-174 du 2-11-2005 qui définit les modalités d’évaluation des TPE au baccalauréat, séries ES, L et S pose le cadre de la composition de la commission d’évaluation : “Sur proposition du chef d’établissement, le recteur nomme les examinateurs (membres du jury du baccalauréat ou examinateurs adjoints 1) de l’épreuve des travaux personnels encadrés parmi les professeurs de l’établissement concerné. Les examinateurs devront être choisis en nombre suffisant et relever de disciplines différentes pour assurer l’évaluation de tous les élèves des séries générales de l’établissement, et permettre de couvrir l’ensemble des disciplines concernées par les travaux personnels encadrés.”

    La place du professeur documentaliste y est d’autant plus essentielle depuis la parution de la note de service n°2017-024 du 14 février 2017 relative à la mise en œuvre pédagogique des travaux personnels encadrés et l’accent mis sur la formation des élèves à la problématique du droit d’auteur : “Les professeurs, tout au long du déroulement des TPE, prendront soin de sensibiliser les élèves au respect du droit d’auteur. Ils veilleront ainsi à définir clairement, dès le début de l’année, les conditions d’utilisation des ressources documentaires. Afin d’éviter les phénomènes de plagiat, on pourra présenter aux élèves une définition de cette notion. [...] Le non-respect des consignes relatives à la citation et à l’analyse des sources documentaires peut être doublement sanctionné lors de l’évaluation du TPE.”

Politique documentaire

La difficulté de mise en œuvre de cet axe de mission repose à notre sens sur l’absence de définition à valeur réglementaire, quant à ce que recouvre le concept de politique documentaire en établissement scolaire. De manière générale, il en existe en effet différentes acceptions, parmi lesquelles l’institution n’a pas estimé nécessaire de trancher de façon explicite, laissant ainsi la profession se débrouiller avec un concept engageant pourtant des enjeux professionnels majeurs.

Selon l’axe 2 de la circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 définissant les missions des professeurs documentaliste, ce dernier, “avec les autres membres de la communauté pédagogique et éducative et dans le cadre du projet d’établissement, [...] élabore une politique documentaire validée par le conseil d’administration, et [participe] à sa mise en œuvre dans l’établissement.” Par définition, la politique documentaire est pluriannuelle, ce qui la distingue du projet pédagogique / projet CDI / projet de service ; ce dernier n’est soumis à aucune exigence de validation par le conseil d’administration. Nous insistons sur le caractère nécessairement collectif d’une telle entreprise, qui ne saurait reposer sur le professeur documentaliste seul. Toute sollicitation excluant ce prérequis irait à l’encontre des dispositions réglementaires.

Concernant le volet formation de la politique documentaire, seules les modalités de la formation doivent être soumises au vote du Conseil d’Administration ; en respect du principe de liberté pédagogique inhérente au statut d’enseignant, les objectifs, donc les savoirs visés, doivent en être distingués sans équivoque, pour ne rester que sur les différentes formes d’intervention (responsabilité, co-animation, co-intervention... selon les dispositifs existants). Il en va de même pour la progression des apprentissages, qui relève de l’axe 1 de la circulaire de missions ; distincte de l’axe concernant la politique documentaire, seul son principe a donc vocation à y figurer, non sa définition. Ces éléments relèvent davantage du projet pédagogique annuel du professeur documentaliste, et n’ont pas vocation à être soumis au Conseil d’administration ; ils auront en revanche légitimité à être présentés de manière optionnelle, selon le choix du professeur documentaliste, en conseil pédagogique ou en conseil d’enseignement, comme base de concertation avec les autres enseignants. D’autre part, il convient de distinguer sans ambiguïté les éléments de formation dispensés dans le cadre d’une maîtrise des outils d’accès aux ressources du C.D.I., et les contenus de l’information documentation, relevant d’une culture de l’information et des médias, qui constituent les objets d’enseignement spécifiques du professeur documentaliste.

"Bon fonctionnement du CDI"

La circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 définissant les missions des professeurs documentaliste entérine la terminologie “CDI, Centre de Documentation et d’Information.” en désignation de l’espace placé sous la responsabilité du professeur documentaliste ; ce dernier est défini comme “lieu de formation, de lecture, de culture et d’accès à l’information.”. Sa vocation première en fait donc un espace didactisé, dans lequel le professeur documentaliste assure sa mission d’enseignement selon différentes modalités : “seul auprès des élèves dans des formations, des activités pédagogiques et d’enseignement, mais également de médiation documentaire, ainsi que dans le cadre de co-enseignements [...] [de] travaux disciplinaires ou interdisciplinaires qui font appel en particulier à la recherche et à la maîtrise de l’information.”

Un CDI utilisé dans le cadre d’une formation ne doit, par conséquent, pas être considéré comme fermé, mais bien comme remplissant l’un des objectifs qui lui sont officiellement affectés, au bénéfice des élèves. Cette utilisation de l’espace doit s’exercer de manière équilibrée, garantissant une place égale à la “lecture, [la] culture et [l]’accès à l’information.” des élèves. C’est ainsi que doit s’entendre la mention du “bon fonctionnement du CDI.”, en dehors de toute considération de gestion des flux d’élèves, qui relève d’une problématique de Vie Scolaire.

Participation aux surveillances d’examen

La fin d’année scolaire est, à juste titre, mise à profit pour assurer les tâches relevant du deuxième axe des missions du professeur documentaliste sur la gestion du centre de ressources : rangement, récolement, désherbage, nettoyage de la base documentaire, etc. Contrairement aux autres enseignants qui sont libérés de cours les jours d’examen, le professeur documentaliste est quant à lui toujours tenu d’assurer son service et ses missions dans le CDI, jusqu’à la fin officielle de l’année scolaire. S’il est légitime que nous assurions effectivement notre part des surveillances, comme n’importe quel autre enseignant, il est important de s’assurer que les sollicitations en ce sens prennent en compte, dans leur volume et leur nature, les missions particulières qui nous incombent, selon les dispositions de la circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 définissant les missions des professeurs documentalistes.

Évaluation des personnels

Le décret n°2017-786 du 5 mai 2017 modifiant divers décrets portant statut particulier des personnels enseignants et d’éducation du ministère chargé de l’éducation nationale et l’arrêté du 5 mai 2017 relatif à la mise en œuvre du rendez-vous de carrière des personnels enseignants, d’éducation et de psychologues du ministère chargé de l’éducation nationale redéfinissent les modalités des "rendez-vous de carrière" dans le cadre de la nouvelle évaluation professionnelle, sur la base du référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation (arrêté du 01-0 ??7- ??2013), qui constitue désormais le document de référence pour la formation et l’évaluation des personnels. Les choix du législateur d’en expurger la majorité des compétences "P" (professeur) lors de la déclinaison de ce dernier sous la forme d’une grille d’évaluation de référence [1] pose à notre sens un problème de droit, le texte de rang inférieur dérogeant aux dispositions du texte de niveau supérieur, auquel il nous semble par conséquent que la profession puisse légitimement se référer de manière préférentielle.

Manuels scolaires

Les dispositions relevées dans la circulaire académique rédigée par les IPR EVS d’Aix Marseille en octobre 2004 peuvent toujours être convoquées, à la seule réserve d’en exclure les éléments se référant à la circulaire n°86-123 du 13 mars 1986, à présent abrogée ; cette dernière précisait toutefois seulement que le professeur documentaliste “apporte l’aide de ses compétences techniques aux responsables du foyer socio-éducatif et aux professeurs chargés du prêt des manuels scolaires.”

La circulaire académique se réfère, outre l’exclusion précitée, à la circulaire n°IV-70-68 du 5 février 1970 (BOEN n°7 du 12 février 1970 - Article 572-0 du RLR). Ce texte, bien que très daté, est toujours en vigueur et n’a été actualisé par aucune publication réglementaire plus récente ; parmi les points relevés par la circulaire académique d’octobre 2004, applicables aussi bien aux lycées qu’aux collèges, voici ceux encore valides :

  • La question des manuels scolaires “nécessite une réflexion d’ensemble de la communauté scolaire pour que la gestion soit assurée dans les conditions optimales et en toute collégialité ;”
  • Le service de prêt fonctionne sous l’autorité du chef d’établissement ;
  • Le choix des manuels scolaires appartient aux conseils d’enseignement, sous la présidence du chef d’établissement ;
  • La commande et la gestion incombent aux services d’intendance ;
  • La distribution et la récupération des manuels sont organisées avec les professeurs principaux et les services de vie scolaire.

Concernant le professeur documentaliste, la seule mention explicite stipule que “si l’établissement possède un service de documentation et d’information pédagogiques, le documentaliste apporte son aide à l’adjoint du chef d’établissement pour organiser et assurer le bon fonctionnement du service de prêt.” Cette mention est suivie pour précision d’un renvoi à la circulaire n°IV-68-245 du 15 mai 1968 relative au rôle du documentaliste dans la prise en charge par l’état de la fourniture de livres scolaires. Bien qu’il ne soit plus en vigueur, ce texte définissait déjà cette “aide” comme étant de nature technique, lecture que confirmait également la circulaire de mission n°86-123 du 13 mars 1986. La nouvelle circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 définissant les missions des professeurs documentalistes, quant à elle, ne mentionne tout simplement pas la question, ce qui peut constituer un positionnement en soi. L’axe 2 sur la politique documentaire indique par ailleurs que :

“Avec les autres membres de la communauté pédagogique et éducative et dans le cadre du projet d’établissement, [le professeur documentaliste] élabore une politique documentaire validée par le conseil d’administration, et [participe ?] à sa mise en œuvre dans l’établissement. [...] La politique documentaire comprend [...] la définition et la gestion des ressources physiques et numériques pour l’établissement ainsi que le choix de[s] leurs modalités d’accès au CDI, dans l’établissement, à la maison et en mobilité.”

Il convient de ne pas se tromper de lecture en ce qui concerne ce passage : ces dispositions ne chargent nullement le professeur documentaliste d’assurer “la définition et la gestion des ressources physiques et numériques pour l’établissement ainsi que le choix de leurs modalités d’accès au CDI, dans l’établissement, à la maison et en mobilité” : elles confient à “la communauté pédagogique et éducative” d’en formaliser les modalités, dans une politique documentaire élaborée collégialement, dans le cadre du projet d’établissement.

La question des manuels numériques, quant à elle, est peu documentée ; la circulaire n°2017-051 du 28 mars 2017 définissant les missions des professeurs documentalistes indique cependant, en complément de l’extrait cité plus haut, que “dans le cadre de l’écosystème numérique de l’établissement, le professeur documentaliste joue un rôle de conseil pour le choix et l’organisation de l’ensemble des ressources accessibles en ligne pour les élèves et les enseignants de l’établissement.”. Aucune implication technique plus approfondie, telle que la gestion des codes d’accès aux services et ressources concernés, ne saurait être légitimement imposée au professeur documentaliste. Elle ne relève d’ailleurs pas davantage du rôle de référent pour les usages pédagogiques du numérique, que le professeur documentaliste peut assurer s’il le souhaite.

Conclusion

Le cadre réglementaire de définition et d’exercice du métier a subi, entre 2013 et 2017, une refonte complète ; le statut, les missions, les objets d’enseignement, la formation et l’évaluation des personnels : toutes les dimensions professionnelles sont concernées. Dans ce contexte, il est primordial que chaque professeur documentaliste puisse s’en emparer, afin d’envisager sa pratique professionnelle en conscience, et conformément aux textes. C’est aussi le moyen de reprendre la main sur notre métier et de faire valoir nos droits. Personne d’autre ne le fera pour nous.

En cas d’opposition locale à appliquer les dispositions réglementaires relatives aux points précités, l’A.P.D.E.N. formule ces quelques conseils de base, destinés à vous permettre de mener à bien les recours nécessaires, sans vous mettre en difficulté professionnelle ou personnelle.

En premier lieu, ne restez pas isolé.e et n’agissez pas seul.e : contactez immédiatement l’association professionnelle académique ou le bureau national de l’A.P.D.E.N., qui peuvent vous apporter des conseils et vous accompagner dans la rédaction des courriers et la préparation d’argumentaires contradictoires, ainsi que la section académique de votre syndicat, afin de vous assurer son soutien, et de vous faire conseiller sur les aspects statutaires du conflit. Les syndicats sont, à la différence de l’association, habilités à intervenir directement auprès des instances représentatives, dans le cadre du dialogue social. Dans ce cadre, n’oubliez pas de placer ces deux interlocuteurs en copie de toutes vos correspondances et échanges avec votre hiérarchie , ou tout autre acteur de l’institution impliqué dans le contentieux.

Respectez strictement l’étiquette professionnelle dès lors que vous vous adressez à votre hiérarchie, même oralement ou par mail. Passez par les représentant.e.s syndicaux et/ou par les élu.e.s au conseil d’administration pour faire part de revendications éventuelles à votre hiérarchie ; si vous n’y êtes pas vous-même élu.e, faites-vous inviter afin de porter vos demandes. Un vademecum "Faire face aux situations professionnelles difficiles" est disponible sur le site de l’A.P.D.E.N.

Gardez en tête, de manière générale, la hiérarchie des normes concernant les textes officiels de référence ; en effet, "en vertu du principe de légalité, chaque norme juridique doit se conformer à l’ensemble des règles en vigueur ayant une force supérieure dans la hiérarchie des normes, ou du moins être compatible avec ces normes" [2]. Très concrètement, cela signifie que les textes réglementaires disposent d’un poids juridique plus ou moins important selon leur nature ; nous vous rappelons ici les différents types de textes convocables, par ordre de force décroissante : normes constitutionnelles, normes internationales, lois, ordonnances, décrets, arrêtés, circulaires ministérielles et enfin circulaires locales / directives / notes de service / instructions ou toute autre appellation pour un texte émanant d’une administration locale ou individuelle. Le droit stipule également qu’un texte de rang inférieur ne peut aller à l’encontre des dispositions prévues par un texte de rang supérieur. Il est donc juridiquement légitime pour le professionnel, en cas d’incohérence entre les dispositions prévues par deux textes de hiérarchie différente, de se référer au texte de rang supérieur.

Bon courage à tou.te.s, soyons solidaires et restons mobilisé.e.s !

Documents

Professeurs documentalistes : comprendre le nouveau cadre reglementaire d’exercice - Mémo à l’usage de la profession.
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