2018
nov.
21

Consultation sur les programmes du nouveau lycée

Contribution auprès de la DGESCO

Le 18 novembre 2018, la Fédération A.P.D.E.N. a adressé à M. Jean-Marc Huart, directeur général de la DGESCO, sa contribution dans le cadre de la consultation sur les nouveaux programmes de lycée, sous la forme d’une analyse détaillée suivie de demandes d’amendements. Nous en publions ici le contenu intégral, selon une mise en forme paginée rendue nécessaire par la longueur du texte. Il est également téléchargeable au format PDF, dans un format imprimable, en cliquant sur l’icône ci-contre.

Plan général de la contribution

  1. Introduction - Colère et inquiétude
  2. L’association relève ainsi que :
    1. L’expertise et la responsabilité enseignante du professeur documentaliste sont ignorées ou transférées à d’autres.
      1. Des projets de programmes qui intègrent l’enseignement de contenus de l’information-documentation... sans le professeur documentaliste.
      2. Des projets de programmes qui intègrent l’EMI en omettant le rôle du professeur documentaliste dans son enseignement, ou en le limitant à une aide méthodologique facultative.
      3. De manière isolée dans le corpus de projets, un programme emploie un intitulé de métier inadapté pour faire référence au professeur documentaliste.
    2. Le lieu CDI est peu mentionné, parfois de manière erronée, et sans référence aux personnels qui en ont la responsabilité, les professeurs documentalistes.
    3. La mission du professeur documentaliste en matière d’éducation culturelle et de développement de la lecture est souvent éludée.
      1. Dans le domaine de la littérature et du développement de la lecture.
      2. Dans le domaine de l’éducation culturelle et artistique.
  3. En conséquence de ces constats, l’A.P.D.E.N. demande instamment que les projets de programmes soient amendés comme suit :
    1. Concernant l’enseignement de l’information-documentation
    2. Concernant les « éducations à » (EMI, PEAC)
    3. Concernant les choix terminologiques récurrents

Introduction - Colère et inquiétude

Sur la base de l’analyse exhaustive des contenus des projets de programmes soumis à la consultation dans le cadre de la réforme du baccalauréat, l’A.P.D.E.N. exprime son inquiétude et sa colère quant à la place faite au professeur documentaliste et aux contenus d’enseignements dont la circulaire de missions de mars 2017 lui attribue la responsabilité, et ce en dépit de l’audience accordée à notre association auprès du Conseil supérieur des programmes le 11 juin 2018 [1] et de la contribution adressée à cette même instance le 9 octobre dernier [2].

En l’état, l’association estime que les projets de programme organisent un transfert inadmissible des contenus spécifiques de l’information-documentation vers les disciplines instituées, et n’admettent parallèlement qu’un rôle facultatif et auxiliaire du professeur documentaliste dans les champs couverts par l’EMI, sans jamais asseoir pleinement sa mission d’enseignement.

D’autre part, ils sont également loin de donner au professeur documentaliste toute sa place dans le champ du développement de la culture et de l’éducation artistique et culturelle, et omettent bien trop souvent de positionner le CDI comme « lieu de formation, de lecture, de culture et d’accès à l’information », principal espace de ressources dont disposent les élèves pour les situations et apprentissages envisagés.

L’association relève ainsi que :

**1- L’expertise et la responsabilité enseignante du professeur documentaliste sont ignorées ou transférées à d’autres

Les savoirs adossés aux sciences de l’information et de la communication, champ scientifique de référence des professeurs documentalistes, présentent de nombreuses occurrences, sans jamais être associés à la préconisation d’un co-enseignement articulant l’épistémologie de la discipline-support, et celle, spécifique, de l’information-documentation, cette dernière faisant de plus l’objet de nombreuses confusions avec l’EMI.

De même, de nombreuses compétences et situations pédagogiques relevant de la recherche, de l’exploitation (sélection et évaluation), de la production et de la communication d’information sont disséminées dans les programmes de disciplines aux épistémologies diverses, sans que soit mentionné le rattachement au champ d’expertise des professeurs documentalistes, sans que soit même systématiquement mentionnée la nécessaire collaboration avec ces derniers - et lorsque c’est le cas, la terminologie retenue pour la définir cantonne in fine le professeur documentaliste à une posture d’accompagnement ou d’aide, par nature facultative.

Ces constats s’appliquent également aux occurrences de l’EMI présentes dans nombre de programmes, qui ne font apparaitre la responsabilité et le rôle du professeur documentaliste qu’en termes d’éventualité ou de possibilité, voire même l’omettent purement et simplement.

***a. Des projets de programmes qui intègrent l’enseignement de contenus de l’information-documentation... sans le professeur documentaliste.

  • Sciences numériques et technologie - Enseignement de tronc commun (seconde)
    Le programme de la nouvelle discipline Sciences numériques et technologie est l’illustration parfaite et remarquable d’un transfert total de l’expertise du professeur documentaliste, jamais cité, vers les professeurs des autres disciplines, a priori de mathématiques, technologie ou sciences de l’ingénieur. En effet :
    • cet enseignement, en ce qu’il se fixe pour objectif, entre autres, d’amener les élèves à se questionner sur les « impacts majeurs sur les pratiques humaines », les « enjeux scientifiques et sociétaux de la science informatique et de ses applications », « à adopter un usage réfléchi et raisonné des technologies numériques dans la vie quotidienne » relève en partie de la culture de l’information et des médias, en mettant en perspective les dimensions éthique, civique, économique, sociale, d’une part, et technique, d’autre part ;
    • les notions et savoirs suivants relèvent d’une pratique pédagogique et didactique déjà largement développée par les professeurs documentalistes :
      • La thématique du « Web » engage, par exemple, à travailler :
        • le moteur de recherche, notion liée à la recherche documentaire (indexation, mot clé, requête dans les axes de travail), l’évaluation de la source (pertinence et popularité dans les axes de travail), l’économie de l’information, l’éthique de l’information, l’identité numérique ;
        • la publication, abordée dans ce chapitre, liée aux questions de responsabilité éditoriale, d’accès à l’information (bulle informationnelle), de droit de l’information (droit à l’oubli).
      • La thématique des « réseaux sociaux » est nécessairement appréhendée par les professeurs documentalistes depuis le collège (référentiel EMI, programmes d’EMC ou de français) jusqu’au lycée (anciens programmes de français seconde, EMC Première), suivant une progression spiralaire au sein de laquelle sont développées, entre autres, les notions de média, d’identité numérique, de sécurisation des données, de droit et d’économie de l’information.
      • La thématique « [des] données structurées et leur traitement » indique qu’« une base de données regroupe plusieurs collections de données reliées entre elles. Par exemple, la base de données d’une bibliothèque conserve les données sur les livres, les abonnés et les emprunts effectués ». On peut s’étonner du choix de l’exemple des bibliothèques quand un autre espace informationnel, à l’intérieur même de l’EPLE, peut être convoqué avec davantage de pertinence : les centres de documentation et d’information (CDI), dans lesquels exercent les professeurs documentalistes. Ces derniers initient par ailleurs, dès la classe de 6e, cette notion de base de données documentaire avant de la développer, toujours suivant un approfondissement dans les apprentissages, jusqu’à la classe de terminale.
      • L’évaluation des « impacts du traitement des données sur les pratiques humaines », angle d’approche retenu pour chacun des objets thématiques constituant ce projet de programme, doit être travaillée avec le professeur documentaliste, a minima en co-enseignement, voire sous sa responsabilité seule, tant ils relèvent de son champ d’expertise : « L’évolution des capacités de stockage, de traitement et de diffusion des données fait qu’on assiste aujourd’hui à un phénomène de surabondance des données et au développement de nouveaux algorithmes capables de les exploiter. L’exploitation de données massives (Big Data) est en plein essor dans des domaines aussi variés que les sciences, la santé ou encore l’économie. Les conséquences sociétales sont nombreuses tant en termes de démocratie, de surveillance de masse ou encore d’exploitation des données personnelles ».
      • De même, la thématique de « la photographie numérique » et de ses impacts sur les pratiques humaines implique une réflexion sur les notions de droit et éthique de l’information, en lien avec le web et les réseaux sociaux : « La gratuité et l’immédiateté de la réplication des images introduisent de nouveaux usages de la photographie : à la photographie archive (histoire de famille) s’ajoutent la photographie à partager et la photographie utilitaire, prothèse de la mémoire (photo d’un ticket de caisse, d’une présentation lors d’une réunion de travail, d’une place de parking, etc.). Les images s’intègrent à tous les dispositifs de communication et de partage, téléphones, Web et réseaux sociaux ».
      • La qualification transversale des compétences « rechercher de l’information, apprendre à utiliser des sources de qualité, partager des ressources » et « faire un usage responsable et critique des sciences et technologies numériques » est enfin, selon nous, erronée, dans la mesure où ces compétences relèvent au contraire, sans ambiguïté aucune, du domaine épistémologique des Sciences de l’information et de la communication et donc de l’expertise du professeur documentaliste.

Documents

Consultation sur les nouveaux programmes du lycée - Contribution complète de l’A.P.D.E.N. auprès de la DGESCO (18/11/2018)
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