3.2. Le chef d'établissement, un interlocuteur particulier (401)

Le chef d'établissement étant un interlocuteur privilégié du professeur documentaliste, précisons son positionnement ainsi que les raisons pour lesquelles les collègues n'ont pas abordé le sujet avec lui (la moitié des répondants).

Sur des panels parfois faibles, ne gardons ici que les académies recensant plus de 30 réponses. Les chefs d'établissement seraient plus favorables dans les académies de Dijon (36,1 %), de Lille (41 %), d'Aix-Marseille (42,2 %), de Reims (43,4 %), de Rennes (38 %), de Rouen (45,5 %), de Toulouse (50 %), que dans celles de Créteil (22,2 %), de Lyon (24,6 %), de Nantes (17,9 %).

Moins il y a d'élèves, plus les chefs d'établissement sont favorables, à 41,1 %, 41 %, 32,8 %, 28,8 % et 21,1 % selon les 5 échelles de cohortes (249 ou moins, 250/499, 500/799, 800/1199, 1200 ou plus). Le nombre de professeurs documentalistes joue aussi : les chefs y sont moins favorables quand il y a moins d'un poste (25,5 %), puis favorables à 38 % et 31,7 % pour 1 ou 2 temps complets, retombant ensuite à 18,2 % (mais sur 22 répondants sur 3 temps complets). La présence d'un personnel d'aide a peu d'influence a priori.

On note logiquement moins d'opinions favorables quand le professeur documentaliste a des difficultés à fermer le CDI pour des séances pédagogiques, quand il n'y a pas d'autres espaces pour accueillir des élèves sur les heures de permanence ou d'étude, avec des écarts de 10 à 15 points. Cependant, les avis sont d'autant plus favorables que le professeur documentaliste est investi dans les instances de l'établissement, avec des écarts de 10 points pour le conseil pédagogique, et généralement des écarts de 5 à 15 points pour les autres instances (moindres pour le CVL, les réunions de direction, le conseil école/collège, plus importants pour le FSE), mais tout de même inverse pour les conseils de classe (avec un écart de 3 points seulement) et pour le CA en tant qu'invité (écart de 8 points). Quand le professeur documentaliste ne participe à aucune instance, l'opinion favorable tombe à 16,4 %.

Ni le nombre de séances pédagogiques menées par le professeur documentaliste, ni l'existence d'une progression en information-documentation n'influent sur le positionnement du chef d'établissement.

De même la participation aux différents dispositifs pédagogiques ne paraît pas entrer en ligne de compte de manière significative, à l'exception de l'accompagnement personnalisé ou AP : 43,3% contre 27,3% d'opinions favorables quand le professeur documentaliste y participe.

L'opinion est plus favorable quand des heures sont inscrites à l'emploi du temps (41,8 % contre 30,7 %), quand il s'agit de travailler sur les heures des autres disciplines (36,8 % contre 30,5 %), alors que l'utilisation des heures de vie de classe n'influe pas, que l'utilisation des trous et absences engage moins d'opinion favorable (31,6 % contre 37,4 %). Enfin, le fait d'évaluer ou non les élèves ne semble pas entrer en ligne de compte.

Il faut bien insister ici sur les limites d'une telle étude statistique. En effet rien ne permet de comprendre ici la complexité de la formation d'une opinion, entre sentiment personnel, influence institutionnelle, réflexion professionnelle, expérience des professeurs documentalistes, etc. Mais ces observations au sujet de facteurs multiples permettent d'avoir des indicateurs statistiques intéressants, qui font ressortir des lignes de force dans leur globalité, sans grande surprise dans certains cas, avec quelques interrogations pour d'autres. Ainsi, l'opinion favorable au principe d'un décompte d'une heure d'enseignement pour deux heures de service paraît relever davantage de l'investissement et de la promotion de la mission pédagogique, dans certaines instances, que de la pratique même des séances, de leur évaluation du travail avec les élèves. La considération de l'accès au lieu pour les élèves en permanence ou en étude est importante, mais peut être réduite quand le professeur documentaliste est engagé dans les instances, et quand l'établissement est plus petit, à « échelle humaine » peut-on dire. Mais ne confondons pas ce qui ressort d'une faveur sur ce principe et reconnaissance du métier, comme les questions juridiques rentrent en ligne de compte dans la réponse du chef d'établissement, ainsi que des opinions qui ont pu être émises par ailleurs, avec globalement tout de même une grande part d'indécision.

Notons que d'eux-mêmes, pour 733 répondants, 7 % des chefs d'établissement ont proposé de comptabiliser chaque séance pour deux heures de service, et, chiffre plus intéressant sans doute, 14,2 % partiellement, soit 21,2 % totalement ou partiellement. Mais encore faut-il avoir abordé la question.

53,3 % des répondants (840) n'ont pas abordé le sujet avec leur chef d'établissement. Nous avons souhaité en connaître les raisons, avec sept items proposés, non exclusifs, et une entrée « autre » pour éventuellement préciser ou compléter.

Parmi eux, 1,6 % ne présentent pas de séances, et n'auraient donc pas besoin de soulever cette question. 3,9 % n'avaient pas connaissance des nouveaux textes réglementaires. 18,1 %, soit environ 150 (10 % du panel total), estiment que leur chef leur refusera ce décompte, en particulier en lycée GT (24,6 %). 23 % n'osent pas demander à leur chef d'établissement, par peur du conflit, ou de se voir refuser de mener des séances, etc., ce qui peut aller de pair, pour près de la moitié, avec le sentiment qu'il refusera le décompte. Bien sûr la situation est d'autant plus délicate pour le collègue lorsqu'il n'est pas reconnu dans l'établissement, sans gestion des flux pour l'accès au CDI, et/ou avec des difficultés à fermer le CDI pour une séance pédagogique.

37,5 % estiment que cela pénaliserait trop l'ouverture du CDI, en dehors de séances pédagogiques, sans grande différence entre les types d'établissements. Pour 6,4 % des 840 répondants, cette réponse peut être mise en relation avec le fait de ne pas oser demander au chef d'établissement l'application du décret.

7,4 % considèrent qu'ils n'ont pas besoin d'heures de préparation et d'évaluation (quel que soit le nombre de séances déclaré), ce qui paraît faible au vue de l'absence de considération institutionnelle, historiquement, pour ce besoin associé à la mise en œuvre de séances pédagogiques.

Enfin 50,1 % disent attendre d'avoir plus d'éléments pour aborder le sujet avec le chef d'établissement. Là encore on peut établir un lien avec le fait de ne pas oser demander pour 8,9 % des répondants.

Pour d'autres raisons, certains précisent qu'ils attendent un peu, qu'ils n'ont pas à « mendier » ce décompte, qu'ils ne doivent pas décompter chaque séance de manière systématique (« 10 fois la même séance ne nécessite pas une heure de préparation par séance »), d'autant que les séances ne sont pas forcément « à l'année ». On note aussi que les séances menées en collaboration avec les collègues n'auraient pas à être décomptées pour deux heures de service. D'autres viennent d'arriver dans l'établissement, ce qui pose le problème, constant, de la négociation délicate avec un chef d'établissement, quand il ne s'agit pas de la question du changement de chef d'établissement, ou encore, la question de la mutation (par exemple pour les stagiaires). L'entente avec l'autre collègue professeur documentaliste, dans les établissements les plus importants, peut être un souci. Il existe aussi une crainte que le CDI soit occupé par un ou plusieurs AED en leur absence, sans forcément pouvoir contrôler cet état de fait. Enfin il peut y avoir simple refus concerté avec l'IPR-EVS ou consensus pour les responsables de bassin, qui éloigne de toute discussion possible sur le sujet.

Quid enfin de ces réponses : « j'ai beaucoup de travail et il faut le faire », « je ne compte pas mes heures », qui rejoignent l'argument que cela pénaliserait l'accès au CDI en dehors de séances pédagogiques ? Le manque de temps pour la gestion revient parfois. D'autres pensent que ce qu'ils font n'entre pas dans le cadre de ce décompte, qui ne concernerait que l'AP. Ou encore, « je ne désire pas devenir prof, je prépare mon travail durant mes 36h et cela me suffit. »

Il peut y avoir satisfaction dans une organisation locale acceptée dans l'établissement. Ainsi une collègue en collège dans l'académie d'Aix-Marseille explique : « J'ai une totale maîtrise de mon organisation : je prépare mes séances au CDI quitte à fermer ponctuellement pour pouvoir assumer toutes mes missions. Pour être sur un pied d'égalité avec mes collègues de discipline, je limite le nombre de séances à 6 en moyenne par semaine, ce qui correspond à un tiers de mon temps de travail -12h- le reste pour les autres missions... » Cette idée de préparer et évaluer les séances au CDI revient, avec la possibilité de fermer aux autres élèves. Notons à ce sujet que ce principe n'est pas incompatible avec le décompte réglementaire, au contraire, d'autant que certains chefs d'établissement peuvent pour leur part refuser le prétexte précité pour ne pas recevoir d'élèves qui sont en permanence ou en étude. Une seule fois il est fait allusion aux six heures extérieures (dites alors « hors présence élève » par le répondant), pour dire qu'elles servent à cela, le problème étant bien là l'absence de redéfinition statutaire de ces heures.