Enquête diagnostique des connaissances en information-documentation des élèves du secondaire en France

Notion ciblée : Droit de l'information : publication (question 08)

La notion de responsabilité et la connaissance du droit ne sont que peu abordées à l'école, même quand elles concernent des pratiques numériques pourtant très développées chez les jeunes, majoritairement hors du cadre scolaire. Pourtant, si l'on considère le respect de la vie privée, l'interdiction de tenir certains propos, les limites à la liberté d'expression, la loi est la même partout en France, que ce soit sur Internet ou dans la vraie vie, selon la formule consacrée. Il est donc primordial que ces notions, ces règles, cette éthique soit enseignées aux élèves, et ce dès le plus jeune âge. Encore faudrait-il, notamment en l'absence d'un enseignement du droit dans le secondaire, ne pas séparer les questions juridiques des apprentissages info-documentaires. Ainsi les notions de droit d'auteur, de droit à/de l'image et de propriétés intellectuelles devraient-elles être judicieusement préparées par celles d'auteur, de document, d'économie de l'information, de données (personnelles), de traces et de publication, lesquelles sont pour la plupart présentées à l'appropriation des élèves dès les premières classes du collège.

« Il existe pourtant une solution simple », affirme Olivier Ertzscheid[1] en 2012 : « il faut enseigner la publication ». Cette notion de publication, déjà inventoriée parmi les 64 savoirs scolaires essentiels de l'information-documentation en 2007, ne peut pas ne pas être enseignée à l'heure des réseaux sociaux, des sites de partage et des blogs. Ainsi la maîtrise d'un « savoir publier », soutenue par des connaissances de base relatives à l'information et au droit de l'information, devrait être progressivement développée grâce à la possibilité offerte aux élèves de publier dans des environnements ouverts et variés, du moins lorsque peuvent être réunies toutes les conditions de protection de l'identité des élèves et toutes les garanties de suivi pédagogique en matière d'ouverture de comptes et de maîtrise des flux de contenus ouverts à la publication. Dans le cas contraire, cet apprentissage pourrait au moins trouver sa réalisation dans le cadre des E.N.T., en articulant au mieux les garanties offertes tantôt par la partie publique, tantôt par la partie connectée de ces espaces.

L' « entrée par les usages », dont le but est la construction de compétences intégratives (savoir, savoir faire et savoir être) en situation, invite à associer les nouvelles fonctions info-documentaires (réseauter, publier, partager, etc.) à des médias outils permettant la publication (Flickr, Babelio, Facebook, etc.) dans des contextes réels de communication. Elle offre ainsi un cadre pédagogique pertinent pour la construction de cette notion.

La protection ou la réhabilitation de l'identité numérique des individus fait également l'objet d'un apprentissage ressortant de l'information-documentation. Cet apprentissage, on l'observe depuis quelques années, est investi par des entreprises ou des organismes privés qui voient s'ouvrir là un secteur marchand lucratif. Invités par les établissements scolaires eux-mêmes, ils vont jusqu'à déployer leur offre en appui, voire à la place des professeurs documentalistes. Lorsque ces derniers assument ces apprentissages, ils optent fréquemment pour une approche stigmatisante et instrumentale. Stigmatisante, parce que, en se concentrant sur les seuls dangers d'une exposition non contrôlée de soi sur les réseaux, elle pointe principalement les mésusages des élèves ; instrumentale, parce que les solutions proposées à ceux-ci se résument bien souvent à la simple considération de l'outil à un moment particulier de son évolution, au travers, par exemple, du renseignement des paramètres de confidentialité d'une page Facebook. Or les formations ponctuelles et techniques, si urgentes qu'elles puissent apparaître, ne garantissent pas les conditions d'une véritable responsabilisation de la « présence numérique » de l'élève sur Internet.

Là encore, une approche compréhensive de la notion est à même d'apporter une solution viable. En l'occurrence, la construction de la notion d'identité numérique, qui doit être complétée de celle, davantage positive, de présence numérique, repose sur un réseau conceptuel large où l'on retrouve, en première instance, les notions de trace, de données personnelles, de source (typologie des sources), de différenciation entre sphère privée et sphère publique. A la présence numérique sur le web sont également attachées les notions d'autorité (typologie de l'autorité), de notoriété et de (e-)réputation. On peut encore approfondir en considérant toutes traces laissées par les usages des individus comme des données indexables par les moteurs de recherches et (re)mixées par les industries de l'audience à des fins de commercialisation. Les notions afférentes sont alors l'indexation automatique, l'économie de l'information et notamment les modèles économiques des moteurs et des médias sociaux, l'audience et sa monétisation, la (re)documentarisation des individus et le graphe social.

Ces champs conceptuels donnent libre cours à l'exploration pédagogique en information-documentation. À partir du moment où le web et ses composants sont considérés comme objets d'étude en soi, les points de fixation sont nombreux. Les tâches proposées aux élèves seront pour la plupart des activités d'étude et d'analyse des phénomènes (notoriété, identité, modèle économique, etc.) et des objets (médias sociaux, moteurs de recherche spécialisés dans les données personnelles, etc.) ainsi que des activités d'exploration et d'investigation pour rendre compte de ces mécanismes d'influence, d'audience et de commercialisation.

Les quelques exemples suivants sont loin d'épuiser les possibles :

  • le traçage d'une personnalité publique

  • la construction de profils imaginaires

  • l'élaboration de biographies historiques sur Facebook

  • le suivi de la propagation d'une opinion ou d'une rumeur

  • l'évaluation de l'autorité d'une personnalité scientifique

  • l'étude du modèle économique d'un moteur de recherche, d'un média social

  • la comparaison de différents agrégateurs de données personnelles

  • etc.

  1. 10

    Ertzscheid Olivier. « Et si on enseignait vraiment le numérique ? » Le Monde.fr, 2012. http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/03/et-si-on-enseignait-vraiment-le-numerique_1679218_3232.html

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