Enquête diagnostique des connaissances en information-documentation des élèves du secondaire en France

Notions ciblées : Document (question 22) et Support documentaire (question 23)

L'appropriation de la notion « Document » est au cœur de la culture documentaire de l'élève. Objet de recherche incontournable lors de toute activité documentaire ayant pour but la construction de connaissances, le document doit également être considéré comme un objet d'étude en soi tant est devenue essentielle la maîtrise de ses caractéristiques afin de pouvoir déterminer la pertinence et la qualité des informations auxquelles il donne accès. L'élève doit ainsi construire une représentation plus étendue et plus précise de cette notion afin de ne pas réduire, par exemple, le document à sa seule fonction « documentaire », notamment dans un contexte scolaire. Les principaux axes d'étude à proposer à la formation des élèves pourraient prendre en compte la relation du document au support, sa relation à l'information et, enfin, sa relation aux usages. Cette triple approche didactique rejoint en quelque sorte les travaux du collectif RTP-Doc et de Jean-Michel Salaün et leurs modalités anthropologiques (la forme, le vu), cognitives (le contenu, le lu) et sociales (le médium, le su).

1. Relation document–support : ces deux notions doivent être préalablement bien distinguées l'une de l'autre. Si « tel » livre ou « tel » journal en particulier doivent être saisis en tant que documents qui, seuls, peuvent être référencés, on considérera qu'« un » livre ou qu'« un » journal en général constituent en revanche des supports documentaires. Ceux-ci doivent être également distingués des supports techniques qui inscrivent, conservent et véhiculent l'information. On distinguera parmi des supports techniques les supports de transmission (câble, antenne, satellite), les supports de communication (papier, analogique, numérique) et les supports de conservation ou de reproduction (DVD, cassette, disque, film, papier photographique, etc.).

Pour autant, le document est indissociable de son support. Celui-ci renvoie en effet à une matérialité, à un objet permettant l'inscription de l'information qui favorise sa durabilité, son traitement et son échange. C'est ainsi que le document acquiert ses fonctions de conservation, de reproduction et de preuve. On fera ainsi prendre conscience aux élèves qu'un événement, dès lors qu'il est privé de support durable, comme un concert de musique, une conversation téléphonique, une conférence, une représentation théâtrale ou un exposé oral, ne peut pas être considéré comme un document.

En pédagogie documentaire, l'approche méthodologique sera utilisée pour permettre à l'élève de discriminer entre le document et le support d'une part, et entre les différents types de support d'autre part. Lors des recherches documentaires, les prescriptions de l'enseignant porteront dès lors sur ces différents supports (supports documentaires mais aussi supports de communication et de conservation). Dans les classes de lycée, la bibliographie pourra être classée par types de supports. Employant une démarche plus active, on pourra demander aux élèves comment, à partir d'un événement (accueil d'un auteur ou d'une personnalité, concert, film, exposé oral, etc.), produire un document permettant d'en conserver une trace. Cette tâche posant la question du support et de ses multiples possibles, des groupes seront invités à explorer ceux-ci et à produire des documents aussi divers que le sont les supports envisageables.

2. Relation document–information : il s'agira ici de présenter tout document comme porteur d'information, fut-ce une simple inscription sur un mur ou l'écorce d'un arbre. A l'opposé, tout objet non porteur d'information, tel une page blanche ou un DVD vierge, ne sera pas considéré comme un document. Ceci étant posé, il restera à faire prendre conscience que le statut, la forme, le type et le contenu de l'information vont orienter dans une très large mesure le document qui la porte. Nous nous bornerons ici à trois exemples importants :

  • document par intention ou par attribution : selon que l'on accorde le primat à l'intention de communication d'une information par le concepteur du document ou, au contraire, que l'on considère que c'est le récepteur qui, par son questionnement, peut faire de n'importe quel objet un document contenant de l'information, le document peut changer radicalement de statut, passant d'un objet porteur d'une information intentionnellement communicable à tout objet, qu'il soit construit ou naturel, potentiellement informé dès lors qu'il peut être soumis à l'étude. Une question problème peut ainsi être posée aux élèves de déterminer, de manière documentée et argumentée, si un livre, une pierre, une rue ou une bicyclette peuvent être des documents. On étendra ainsi considérablement la notion de document tout en établissant des ponts entre les différentes disciplines pour lesquelles la notion de document diffère de celle usitée en information-documentation ;

  • document primaire ou document secondaire : le contenu informationnel est ici le critère essentiel qui permet de discriminer entre le document qui porte l'information originale et le document qui livre des indications sur le contenu, l'accès et le support du premier. Cette distinction, à l'heure où les moteurs de recherche sont majoritairement utilisés, s'avère cruciale pour atteindre l'information primaire. Employer une démarche active facilitera l'accès à cette connaissance par des observations menées entre les résultats du logiciel documentaire et les résultats des moteurs de recherches, ainsi qu'entre les résultats de ces derniers et les pages qu'ils pointent. L'étude poussée des documents secondaires (notices bibliographiques et résultats des moteurs) constitue par ailleurs une étape essentielle dans la sélection et l'évaluation de l'information. On pourrait en outre, à certaines occasions, exiger des bibliographies de recherche restreintes où la référence bibliographique serait accompagnée d'une copie du document secondaire qui lui a donné accès. Ce document secondaire (un résultat de moteur par exemple) pourrait de plus être annoté afin d'argumenter la décision qui a été prise suite à son analyse ;

  • typologie du document : il s'agit ici d'étendre la notion de document au travers de sa typologie et de dépasser les représentations des élèves selon lesquelles il n'y aurait de document qu'écrit et porteur de savoirs scolaires. On s'attachera à faire prendre conscience que le type et la forme de l'information contenus dans le document vont produire une grande diversité de types de documents possibles. L'approche méthodologique, basée sur des recherches d'informations concrètes, pourra être ici utilisée avec profit. Lors des prescriptions données aux élèves, il pourra être exigé que telle forme d'information (son, texte, image fixe ou animée, ou composée) et que tel type d'information (documentaire, fictionnel, journalistique, technique, scientifique, promotionnel, etc.) soient recherchés et exploités lors de la recherche. De la même manière, on demandera à ce que la bibliographie de recherche tienne compte de ces critères dans son classement.

3. Relation document–usage : pour rompre avec cette représentation selon laquelle tout document ne peut servir qu'à apprendre et aider l'élève à sortir du contexte scolaire pour emmener avec lui et chez lui le document, il resterait à lui faire découvrir les autres fonctions relatives aux multiples usages du document. Hubert Fondin[1] distingue celles qui sont liées à l'intention de celui qui élabore le document (conservation, référence, communication et promotion sociale) et celles qui sont liées au projet personnel de l'utilisateur de ce document (distraction, apprentissage, réflexion, aide à l'action ou à la décision). La démarche active, autorisant l'investigation, pourrait être alors utilisée pour faire mener une enquête par les élèves sur l'étymologie de document et l'évolution du mot à partir de son origine latine. Ils découvriraient à cette occasion la diversité des fonctions du document et auraient pour tâche d'illustrer celles-ci d'exemples argumentés de documents correspondant à des usages précis.

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    Fondin Hubert. L'information documentaire : théorie et pratique. In Introduction aux sciences de l'information et de la communication : manuel. Les Éditions d'organisation, 1995

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