2022
juin
1er

Demandons des moyens d’enseignement pour l’EMI !

Des journalistes, des associations de journalistes s’inquiètent, à juste titre, des problèmes engendrés dans nos démocraties par le phénomène de manipulation de l’information, de désinformation. Ils regrettent, dans une tribune rendue publique le 31 mai, le manque d’ambition de l’État pour lutter, à l’école, contre ces phénomènes. Ils déplorent le manque de moyens et demandent qu’un fonds Éducation aux médias et à l’information soit débloqué pour permettre ces apprentissages.

Si l’Association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale partage l’inquiétude de ces professionnels des médias et de ces structures d’intervention dans le cadre scolaire, elle ne partage ni leur diagnostic ni leurs propositions.

Il ne faut sans doute pas réduire le problème du complotisme à la désinformation, à l’outillage méthodique devant l’information diffusée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Ainsi la lutte contre la désinformation est permise par des connaissances diverses, solides, par une éducation civique, politique, réduite actuellement à une portion congrue dans les programmes, mais également par des approches philosophiques, sociologiques et économiques insuffisantes à l’École. Aujourd’hui dépendantes de la bonne volonté de certains enseignants, des séances pédagogiques fréquentes autour de l’actualité pourraient demain répondre aux besoins d’une culture générale des enfants et adolescents, au développement de leur esprit critique au quotidien.

Il est aisé de reprocher aux plateformes numériques de conforter une situation néfaste, contre des médias en lesquels il faudrait avoir une totale confiance. C’est oublier tout ce que permettent par ailleurs les réseaux sociaux, en matière d’échanges, d’expressions, avec des zones d’ombre, oui, mais aussi quantité de partages positifs. Maîtriser cet environnement médiatique vaste, en tant qu’individu, en tant que citoyen, nécessite des moyens pédagogiques pour lesquelles l’Association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale se bat depuis des décennies, avec des échos rares. Nous représentons des enseignants certifiés, spécialistes dans les Sciences de l’information et de la communication. Dans tous les collèges et lycées, 11 000 professeurs documentalistes ont pour mission l’enseignement de la culture de l’information et des médias. Mais, faute d’heures auprès des élèves, faute aussi de personnels, de temps de concertation et de travail en équipe, cet enseignement ne peut pas être correctement dispensé. Alors que ces phénomènes complexes supposent des apprentissages réguliers, progressifs, en matière de recherche d’information, de consultation de sources, de production et de publication, de maîtrise du droit et de l’économie de l’information, ces apprentissages sont actuellement impossibles à une échelle nationale.

Des enseignants, dont les professeurs documentalistes, font intervenir des journalistes et associations de journalistes, comme ils font intervenir des auteurs, des élus, des artistes, des professionnels. C’est un choix pédagogique qui doit être maintenu par des budgets d’établissement. Mais la réussite de l’Éducation aux médias et à l’information, dont nous partageons le caractère essentiel avec ces professionnels des médias, est avant tout le fruit d’une meilleure ambition pour que les enseignants puissent, à différents niveaux, porter ces apprentissages.

C’est en ce sens que nous demandons, sans discontinuer, un travail de fond sur les compétences et les connaissances à enseigner ainsi que des heures fléchées pour la Culture de l’information et des médias au collège et au lycée, dont l’acquisition, par tous les élèves, doit être garantie par les professeurs documentalistes en tant qu’enseignants et maîtres d’œuvre, dans le cadre d’un parcours de formation construit en concertation et évalué. En toute logique, nous demandons aussi un nombre suffisant de ces enseignants dans les établissements, à hauteur d’un professeur documentaliste certifié par établissement et un poste supplémentaire par tranche de 400 élèves. Sans cette ambition le pays ne sera pas à même, encore, de répondre aux enjeux liés à l’évolution des médias, de l’information, de la communication.

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