3.4. Projet ou politique documentaire : une profession divisée (409-412)

Parmi 721 répondants, 6,9 % n'élaborent pas de projet pour le CDI, avec un bilan annuel. 73,2 % en élaborent un et le communiquent, tandis que 19,8 % en élaborent un mais sans communication. Ainsi l'élaboration d'un projet concerne 93,1 % des répondants.

Le sujet est plus délicat concernant la mise en place d'une « politique documentaire », sur 719 réponses, avec alors 39,8 % de réponses positives, sans variations significatives selon le type d'établissements, pour un concept mis en valeur par l'IGEN-EVS il y a plus de dix ans. Lenteurs ou refus ? Les questions suivantes nous apporteront des éléments de réponse.

Notons auparavant quelques croisements. D'abord il apparaît que certaines académies sont plus propices à la politique documentaire que d'autres, ainsi celles de Dijon (61,1 %), d'Aix-Marseille (58,1 %), par rapport à celles de Versailles (37,4 %), de Rennes (36 %), de Nantes (29,3 %), de Créteil (27 %), en nous en tenant aux académies pour lesquelles les réponses sont suffisamment nombreuses pour qu'il en ressorte des chiffres intéressants. Il y a par ailleurs davantage de formalisation d'une politique documentaire quand on participe au conseil pédagogique (42,8 % contre 30,5 % font une politique documentaire), et de manière générale quand on participe aux instances pédagogiques ou administratives de l'établissement (5 à 10 points d'écart à chaque fois), sans pour autant jamais dépasser la moitié d'un panel. De même le référent TICE ou le conseiller TICE sont plus susceptibles de gérer une politique documentaire, ce qui peut sembler logique dans le sens où leur fonction les engage dans une réflexion d'établissement sur les TICE, ce qui peut se prolonger sur l'ensemble des aspects documentaires. Pour ceux qui ont mis en place une progression pédagogique, on atteint 57,7 % de politique documentaire. Enfin, et c'est relativement logique, les collègues favorables aux 3C sont plus souvent déjà dans la mise en place d'une politique documentaire (54,7 %, contre 43,4 % chez ceux qui ne se prononcent pas, 31,2 % chez ceux qui s'opposent aux 3C). S'il y a concordance, il y a aussi contradiction, peut-être du fait que, on l'a dit, chacun peut avoir un point de vue différent sur l'intérêt des 3C, qui ne rejoint pas forcément dans les mentalités, contre les textes institutionnels, la nécessité d'une concertation globale au niveau de l'établissement scolaire dans son ensemble.

Intérêts et limites de la politique documentaire

231 collègues n'ayant pas mis en place de politique documentaire en présentent les intérêts et/ou limites (53,3 %), avec ces mêmes réflexions données par 209 collègues ayant mis en place une politique documentaire (73,1 %). Bien sûr l'absence de mise en place ne suppose pas l'opposition, par exemple dans un établissement très petit ou dans l'impossibilité de faire valoir cette idée auprès des différents acteurs-clés de l'établissement (certains collègues indiquent ainsi que la formalisation d'une politique documentaire leur a été refusée par le chef d'établissement). De même la mise en place ne suppose pas l'adhésion, même si celle-ci est plus évidente ; la politique documentaire peut être engagée du fait de la demande institutionnelle, du fait d'une forte impulsion locale, de l'inspection académique et/ou de la direction de l'établissement. Pour autant, il est intéressant de traiter isolément les deux corpus.

Pour ceux qui ne suivent pas une politique documentaire

Parmi ceux qui n'ont pas mis de politique documentaire en place, on note un clivage dans les intérêts rédigés, avec d'un côté la mise en valeur du rôle pédagogique du professeur documentaliste, d'un autre côté l'idée plus prononcée selon laquelle le dispositif permet une meilleure concertation au sujet des ressources dans l'établissement. Très rarement les deux se rencontrent. Comme pour les 3C, cela montre une limite essentielle du projet, avec une logique d'ensemble problématique, dans laquelle chacun ne récupère que ce qui peut le convaincre. Ainsi, les intérêts de la politique documentaire se trouvent dans une vision claire et partagée des ressources de l'établissement (73), avec davantage de concertation (42), avec des axes de travail pour plusieurs années (11), et pour être au plus près des besoins (7). Cela peut permettre de valoriser le travail du professeur documentaliste ainsi que le CDI (44), en particulier par l'inscription des projets du CDI dans le projet d'établissement (13). Mais pour d'autres c'est ce qui permet d'assurer une formation progressive des élèves à la recherche d'information ou à l'information-documentation (29), le lien avec la question des ressources n'apparaissant que 10 fois. Enfin 22 répondants précisent que la politique documentaire n'a aucun intérêt.

Les limites prononcées sont surtout associées au manque d'intérêt des collègues des autres disciplines (66) et de la direction (56) pour cette question, manque d'intérêt complété par des problèmes d'individualismes (5), de manque de communication (4). Mais on pointe aussi le risque de s'enfermer dans une politique documentaire qui ne permet plus la spontanéité ou l'improvisation (22), avec le risque pour le professeur documentaliste de perdre son autonomie (14), avec une possible censure (4). Cela peut être une surcharge inutile de travail (16), avec un budget qui manque (12), avec le risque de réduire le rôle du professeur documentaliste à la seule gestion (5), dans un rôle centralisateur au sujet des ressources (6). Certains mettent en avant aussi l'aspect bureaucratique du projet (8), pour une politique du chiffre parfois (3), mettant le pédagogique en arrière plan (5).

Pour ceux qui suivent une politique documentaire

Parmi ceux qui ont mis en place une politique documentaire, il peut être parfois difficile de catégoriser l'expression de l'intérêt, avec des termes seuls, implicites, comme « cohérence », « formalisation », « harmonisation » ou « cadrage », sans précisions de ce à quoi ils font référence. Pour l'intérêt, on retrouve l'idée d'une vision claire et partagée des ressources de tout l'établissement (59), avec un accent plus important sur la concertation (49) et la réponse aux besoins (18), et la même idée d'axes de travail pour plusieurs années (14), davantage prononcée en lien avec l'inscription des projets dans la politique d'établissement (32). L'ensemble met davantage l'accent sur la valorisation du professeur documentaliste et du CDI (60), avec le sentiment que c'est souvent réussi. On retrouve, à peu près dans les mêmes proportions, le fait de pouvoir assurer une formation progressive des élèves à la recherche d'information ou à l'information-documentation (27), avec là encore une rencontre faible entre les deux pôles gestionnaire et pédagogique (13). Si l'on avait dans l'autre panel l'idée d'augmenter son budget, on retrouve plutôt ici celle de le justifier (10), et ce parmi les intérêts de la politique documentaire.

En termes de limites, on retrouve le manque d'intérêt des collègues des autres disciplines (78) et de la direction (55), en mettant ici davantage l'accent sur les collègues comme le fait de présenter une politique documentaire suppose qu'elle a reçu l'aval de la direction ; l'indifférence des collègues devient alors un vrai problème. Par contre on ne retrouve pas les craintes relatives à la perte d'autonomie des professeurs documentalistes, à la censure éventuelle, on insiste davantage sur les limites associées au manque de budget (18), en ne perdant pas de vue le souci de se retrouver enfermé dans la politique documentaire définie (12) et de perdre beaucoup de temps à ce travail (8).

La confrontation des commentaires laisse entrevoir l'éventualité d'un échec de la politique documentaire, selon que les professeurs documentalistes estiment que leur travail et leurs projets sont valorisés (60) ou qu'ils ne suscitent pas l'intérêt (78), avec des représentations locales, dans les établissements, qui, après dix ans, sont restées plus fortes.