Rapport Bisson-Vaivre, recommandation ou prescription ?

Les chantiers prioritaires de l’Inspection G�n�rale EVS concernant la "Documentation" en 2011-2012, pr�sent�s dans un rapport d’observation, ont alert� les professeurs documentalistes et la FADBEN sur un repositionnement du CDI dans l’�tablissement qui se traduirait par une dominante "Vie scolaire" �loignant les professeurs documentalistes de leur coeur de m�tier.

La FADBEN, depuis 40 ans, positionne le m�tier de professeur documentaliste au cœur des apprentissages favorisant le d�veloppement de la culture de l’information et des m�dias. La F�d�ration a d�j�, � la lumi�re de mutations num�riques permanentes, permis une �volution des apprentissages et de l’enseignement info-documentaire (depuis les ann�es 1980) ainsi que le renouveau des lieux - les Centres de documentation et d’information qui, faut-il le rappeler, ont �t� les premiers espaces � int�grer des ressources num�riques compl�mentaires aux autres supports d�s les ann�es 1985 .

Par sa lecture critique d’un tel rapport, la FADBEN souhaite montrer que les pr�occupations de l’Inspection Vie scolaire ne correspondent pas � celles mises en avant par les professionnels de l’information : �coute n�cessaire des besoins correspondant aux aspects strat�giques, techniques et collaboratifs pour r�pondre aux diff�rentes mutations num�riques concernant les ressources documentaires en �tablissements scolaires, et du besoin de d�veloppement d’apprentissages sp�cifiques pour monter le niveau de connaissances et de comp�tences des futurs citoyens dans les domaines de l’information, des m�dias et du num�rique.

Claude Bisson-Vaivre, doyen du groupe �tablissements et vie scolaire, est le rapporteur des « Observations sur les �tablissements et la vie scolaire en 2011-2012. Synth�se nationale des rapports de sp�cialit� des inspecteurs d’acad�mie-inspecteurs p�dagogiques r�gionaux �tablissements et vie scolaire. » (Rapport n°2012-136). Dat� du mois de novembre 2012, ce rapport �tait encore disponible en ligne � la fin du mois de f�vrier 2013. Nous remarquons que ce n’est plus le cas. Le caract�re officiel de ce rapport, r�dig� par Jean-Pierre Bellier, Jean-Louis Durpaire, Didier ?Vin-Datiche et Didier Jouault, ainsi que la nature de ses contenus dont de nombreux �l�ments concernent directement les professeurs documentalistes, nous engagent � le publier sur le site de la FADBEN.


« Observations sur les �tablissements et la vie scolaire en 2011-2012 » (Rapport n°2012-136)

Un rapport objectif ?

Ce rapport est pr�sent� comme le "fruit de la consultation de trente rapports de factures h�t�rog�nes". Il doit permettre "aux ?responsables ?acad�miques ?de ?situer ?leur ?action ? » et « ?peut contribuer � nourrir des politiques voire � les infl�chir". Il vise � �tre "un outil d’aide au ?pilotage � la disposition des recteurs".

Or, au regard de ces objectifs op�rationnels forts, ce document pose question. Sur la forme, d’une part, l’absence de toute r�f�rence est �tonnante : quelles sont les acad�mies constituant le panel retenu ? Combien de professeurs documentalistes ont �t� inspect�s ? Quelles ont �t� les modalit�s de recueil des informations pr�sent�es ?

Sur le fond, d’autre part, l’observation de l’action des enseignants appara�t peu �tay�e par des exemples dits de "bonnes pratiques", mais trop souvent, au contraire, par des t�moignages � charge. L’occasion qui pourrait �tre donn�e de r�fl�chir sur les structures et les acteurs existants, susceptibles de jouer un r�le dans les th�mes 1 et 4 - � savoir l’accompagnement personnalis� et la culture de l’information - est ainsi manqu�e. L’approche retenue ne permet en aucun cas de percevoir le cadre op�ratoire : quelles formations sont propos�es pour les �l�ves ? Comment les structures r�pondent-elles aux besoins des �l�ves ? Quel est le r�le attendu pour les professeurs documentalistes ? Quelle est la nature des actions qu’ils mettent en œuvre dans les �tablissements ?

Au-del� de cette approche, le choix des extraits retenus pour construire ce document - synth�se de trente rapports acad�miques - est probl�matique en ce qu’il para�t soumis � des orientations pr�d�termin�es. Ainsi, plut�t que de partir de la circulaire de mission de 1986 et des diff�rentes adaptations du terrain pour d�velopper des orientations coh�rentes, il semble m�me parfois qu’il s’agisse de pousser certains concepts n’ayant pas fait l’objet d’orientations nationales ou acad�miques, comme le Pacifi ou le "Learning Centre" (devenu 3C par la suite). Les perspectives ainsi d�velopp�es ne montrent aucune prise en consid�ration de la volont� d’une majorit� des professeurs documentalistes de faire acqu�rir aux �l�ves des savoirs info-documentaires.

Des reproches justifi�s ?

Les reproches formalis�s dans le rapport � l’�gard de la profession ne font l’objet d’aucune analyse r�trospective sur les difficult�s d’exercice des missions p�dagogiques des professeurs documentalistes ; difficult�s li�es, d’une part, � un probl�me de reconnaissance de leur mission d’enseignement dans les EPLE, d’autre part � un manque de cadres clairs pour la mise en œuvre de s�ances p�dagogiques, seuls ou en collaboration interdisciplinaire.?

Ainsi les auteurs regrettent-ils que les professeurs documentalistes ne soient pas davantage investis dans les nouveaux dispositifs, par exemple l’enseignement de l’Histoire des Arts (p. 17-20), ou encore que les s�quences mises en place, soient trop souvent exclusivement propos�es aux classes de Sixi�me (p. 19)...?Pour le reste, le rapport mentionne � peine la reconnaissance des missions p�dagogiques des professeurs documentalistes. Il s’agit pour l’IGEN de nier la sp�cificit� des savoirs qui rel�vent de la culture de l’information et des m�dias. Les auteurs du rapport insistent ainsi, comme les auteurs du vademecum "Vers des centres de connaissances et de culture", sur l’accompagnement des �l�ves pendant les temps informels (p. 7), sans l’assurance d’un enseignement syst�matique de l’information et des m�dias, assur� par le professeur documentaliste.

De m�me, nous ne comprenons pas la volont� de diviser la profession, en opposant les "jeunes", suppos�s favorables aux Learning Centres (p. 20), aux autres professeurs documentalistes. Sur quelles bases scientifiques cette th�orie s’appuie-t-elle ? Cette all�gation n’a aucun sens, d’autant que le rapport ne prend pas en consid�ration la volont� d’un grand nombre de professeurs documentalistes de r�pondre aux enjeux soci�taux actuels en participant activement au d�veloppement d’un enseignement sp�cifique � l’information et aux m�dias, dans des conditions d’exercice correctes.

Concernant la gestion, plus de dix ans apr�s le d�veloppement institutionnel du principe de la "politique documentaire", globalement peu appliqu� dans les �tablissements, l’Inspection formule un autre reproche : "un manque d’attention aux besoins des �l�ves et de l’ensemble de la communaut� �ducative" (p. 18-19). On remet ici en question le professionnalisme des professeurs documentalistes, qui n’ont pourtant pas attendu de projet th�orique pour formaliser des projets documentaires �troitement adapt�s aux contextes locaux des �tablissements scolaires. Ce type d’argumentation sert l� encore � justifier une r�forme de l’IGEN qui ne r�pond pas davantage aux attentes qu’aux enjeux soci�taux.?

Une conclusion orient�e ??

Ce rapport fait �tat d’une tr�s grande diversit� d’interpr�tations, et l’absence de coh�rence dans les attendus appara�t nettement au sujet des professeurs documentalistes.?Il montre aussi un d�tournement ?des rapports acad�miques, � travers une conclusion �tonnante, d�connect�e des �l�ments analys�s dans les rapports (p. 20). Cette conclusion n’�voque par ailleurs plus les "professeurs documentalistes", pour ne retenir que l’appellation de "documentalistes".

Voici les termes de cette conclusion :

« ?Face � cette situation, ?l’inspection g�n�rale recommande aux acad�mies de : ?

faire ?clairement ?�merger ?l’importance ?de ?la ?documentation dans la r�ussite des �l�ves ;
mettre en œuvre effectivement des fonctionnements concert�s en r�seau ?d’�tablissements ;
poser ?la ?question ?pr�cise ?des ? temps ?et ?des ?lieux ?de ?travail ?des ?�l�ves, ?au ?sein ?des �tablissements, entre ?? personnels ??de ?? direction, ??personnels ??de ??vie ??scolaire ??et documentalistes ;
travailler sur la notion d’�ducation aux m�dias et � l’information, en favorisant les ?collaborations entre enseignants disciplinaires et documentalistes ? ». (p. 20)

Depuis plus de vingt ans, la FADBEN revendique la cr�ation d’une inspection sp�cifique qui s’autoriserait, dans le cadre d’une r�flexion nationale sur la profession, la simple �vocation d’une didactique de l’information-documentation, ainsi qu’une prise en charge p�dagogique sp�cifique de ce domaine.

Dans cette lecture critique, la FADBEN pointe l’absence de prise en consid�ration par l’Inspection G�n�rale de points pouvant permettre :

de mettre en exergue l’information-documentation, comme composante essentielle de la r�ussite des �l�ves ? ;
de r�fl�chir � la construction d’un mod�le fran�ais d’espace d’apprentissage autour des ressources documentaires imprim�es et num�riques, parall�lement au d�ploiement d’autres lieux de convivialit�, dits de « ?vie scolaire ? », permettant l’utilisation du r�seau interne des �tablissements par exemple ;
de former les enseignants documentalistes tout au long de leur carri�re ;
de d�velopper une didactique de l’information-documentation.

Tous ces �l�ments permettraient de mettre en place un enseignement de l’information-documentation institutionnalis�, structur� et progressif, qui contribuerait � d�velopper une culture informationnelle favorisant l’autonomie, l’esprit critique et la r�ussite des �l�ves.

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