2019
juin
22

Mission interministérielle sur le numérique éducatif

Compte-rendu de l’audience à la Direction Générale des Finances

Une mission interministérielle consacrée au déploiement du numérique éducatif dans l’enseignement scolaire a souhaité rencontrer l’A.P.D.E.N. Cette mission travaille plus précisément sur les objectifs pédagogiques assignés au numérique éducatif et l’identification des bonnes modalités de diffusion des nouvelles pratiques pédagogiques, sur la structuration d’une véritable politique de contenus en lien avec la filière (éditeurs, Edtech, acteurs de l’audiovisuel…) et sur la formation des enseignant.e.s et des personnels de l’Éducation nationale. Contactée par M. Djaïz, l’A.P.D.E.N. a répondu positivement à cette demande et a été reçue au Ministère des finances le 10 mai 2019 par Messieurs Auvigne (IGF), Djaïz ( IGF) et Santana (IGAENR).

La mission interministérielle est composée de :

  • M. Paul Mathias, Inspecteur Général de l’Education Nationale, groupe philosophie (IGEN),
  • M. François Auvigne, Inspecteur Général des Finances (IGF),
  • M. David Djaïz, Inspecteur des finances (IGF),
  • M. Julien Rouge, Assistant de mission (IGF),
  • M. Philippe Santana, Inspecteur Général de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche (IGAENR),
  • Mme Sandrine Lemery, membre du Conseil Général de l’Economie (CGE).

L’A.P.D.E.N. était représentée par Camille Brouzes, président de l’A.P.D.E.N. Caen, Camille Ducrot, membre du Bureau national, Laurence Blanchard, trésorière du Bureau national, et Olivier Le Deuff, enseignant chercheur et maître de conférence en Sciences de l’information et communication à l’Université de Bordeaux Montaigne.

Nous débutons l’audience en présentant l’association, ses missions, ses actions et remettons à nos interlocuteurs une plaquette de présentation de l’A.P.D.E.N., ainsi que les deux derniers numéros de la revue professionnelle Mediadoc.

M. Djaïz introduit la réunion. Il souhaite savoir comment la "révolution numérique" actuelle "transforme les CDI", induit de "nouvelles façons de travailler" et permet la création de "nouveaux espaces d’innovation avec les tiers-lieux". Comment les professeur.e.s documentalistes diffusent-ils.elles cette "innovation" ?

Nous rappelons dans un premier temps les missions du.de la professeur.e documentaliste définies par la circulaire de mission de mars 2017 : formation des élèves à la recherche d’information de la Sixième à la Terminale, gestion des ressources, promotion de la lecture et actions culturelles.

Nous nuançons ensuite le terme de "révolution numérique". Historiquement, les CDI ont souvent été parmi les premiers lieux informatisés et connectés au sein des établissements scolaires ; le numérique n’y est donc que la continuité d’un processus continu et ancien. Les professeur.e.s documentalistes s’en sont emparé comme outil professionnel et comme objet d’enseignement depuis longtemps. Nous avons été les premier.e.s à travailler sur les évolutions induites concernant les processus d’information, sur les transformations du web et en particulier sur le développement de sa dimension sociale, ou encore sur les questions de désinformation en ligne, et avions anticipé nombre de ces enjeux. Nous menons des séances d’enseignement visant à permettre à tou.te.s les élèves de bâtir une culture informationnelle, leur donnant les moyens d’évoluer dans un environnement médiatique de manière autonomes et citoyenne. Nous travaillons sur les capacités à évaluer l’information, mettons en place des progressions dans les apprentissages, dont l’idéal vise à une progression de la maternelle au supérieur. Nous rappelons que ces apprentissages se construisent sur un temps long, les dispositifs d’enseignement souvent mis en oeuvre auprès des élèves de Sixième et de Seconde n’y suffisant pas. Pour mener à bien ces formations, nous nous appuyons sur les travaux issus de la recherche. Le numérique ne se limite pas des compétences procédurales, et les environnements numériques peuvent donner l’illusion de la compétence.

En ce qui concerne les tiers-lieux, nous précisons que ce n’est pas le lieu qui fait l’innovation pédagogique : il n’y a pas d’apprentissage sans médiation. Le CDI n’est pas le seul lieu où se joue l’innovation. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de revoir la conception d’un lieu pour innover. Les professeur.e.s documentalistes peuvent être acteurs de l’innovation, mais les autres enseignant.e.s peuvent également innover avec leurs élèves.

M. Auvigne s’enquiert ensuite de savoir si nous avons des homologues étrangers.
Nous rappelons ici notre partenariat avec l’IFLA et celui, en cours d’élaboration, avec Chypre pour former des bibliothécaires scolaires. Nous présentons la section School Libraries de l’IFLA, donc l’association est membre, et précisons que le Gabon, la Roumanie, et le Japon sont très avancés sur la question des bibliothèques scolaires et de la formation des élèves.

Messieurs Auvigne et Santana souhaitent savoir comment nous accompagnons l’évolution du manuel papier, couplé à des ressources numériques, ou le passage à des ressources totalement numériques, et si ce choix entraîne des tensions dans l’utilisation des budgets. Il nous est précisé que dans la région Grand-Est les professeur.e.s documentalistes sont administrateur.trice.s du GAR.

Au sujet des manuels scolaires, nous rappelons que ces ressources sont choisies par les enseignant.e.s en conseil pédagogique, et utilisées par les élèves. Nous pouvons être amené.e.s à nous prononcer sur ce choix, mais ce ne nous incombe pas de les gérer, au contraire des ressources documentaires numériques.

Nous évoquons les coûts d’accès et de location des ressources numériques, souvent proposées par des start-ups. Il nous parait pertinent de développer plutôt l’Open source. On nous répond que ces ressources ne sont pas labellisées.

L’offre de ressources étant pléthorique, la spécificité de notre métier est de bien la connaître, et de sélectionner celles que nous proposons. Nous utilisons déjà depuis longtemps beaucoup de ressources gratuites, cataloguons des sites web complémentaires aux ressources imprimées.

Quant à l’équipement tout numérique, nous faisons bien souvent face à de gros problèmes de materiel informatique, de réseau et de maintenance. Le passage au "tout numérique" soulève aussi la question des possibilités réelles de connexion de tou.te.s élèves à leur domicile. Pour les ordinateurs dotés par les régions ou les départements, les réparations sont à la charge des familles, ce qui est inégalitaire. La question de l’interopérabilité des formats se pose également.

Par ailleurs, au-delà de l’aspect matériel, l’aspect cognitif est à prendre en compte : comment les élèves s’emparent-ils du document numérique ? Des études de chercheur.se.s démontrent que le numérique ne facilite pas forcément les apprentissages. Les approches scientifiques socio-cognitives n’ont pas encore rendu compte de tous ces travaux.

Il nous est ensuite demandé quel regard portent les parents sur nos ressources, si nous publions en ligne, et quelle est la formation des professeur.e.s documentalistes.
Nous répondons que les professeur.e.s documentalistes ont effectivement développé des pratiques de publication en ligne conséquentes, comme en témoignent les nombreux blogs professionnels, individuels ou communautaires, le site de l’A.P.D.E.N. et, entre autres, le Wikinotions, ou encore les sites de formateurs et d’universitaires du champ de référence des professeur.e.s documentalistes… Ils traduisent les nombreuses innovations de terrain portées par les professeur.e.s documentalistes, capacité que l’institution leur reconnaît par ailleurs. Les CDI sont des lieux d’information et de production de contenus pour les élèves. Nous rappelons que le thème de notre 11e congrès, qui s’est tenu cette année à Grenoble du 22 au 24 mars, était : « La publication sur le web : un objet pédagogique et didactique pour les professeur.e.s documentalistes ».

D’une manière générale, les parents ne consultent pas particulièrement nos ressources documentaires ; ils utilisent bien davantage les ENT (Environnements numériques de travail) ou Pronote pour connaître les absences, les notes de leurs enfants, ou contacter les membres de la communauté éducative. La multiplicité des outils en complique l’accès, un accès unique serait sans doute préférable.
En ce qui concerne la formation des professeur.e.s documentalistes, la voie de recrutement principale est le CAPES ; beaucoup de collègues ont une formation initiale en sciences de l’information et de la communication, et un profil généralement plutôt issu des sciences humaines. Les étudiant.e.s des masters MEEF sont formé.e.s au numérique pédagogique, pour lequel il existe un arrêté de cadrage. Le corps de professeur.e.s documentalistes est aussi composé de personnels en reconversion qui suivent pour la plupart une formation interne. Nous faisons remarquer que dans le cadre de la formation initiale et continue, il est nécessaire de développer des formations sur le traitement des données personnelles des élèves car cet aspect n’est pas suffisamment pris en compte par les enseignant.e.s.

Le temps dévolu à l’audience touchant à son terme, nous concluons la rencontre sur ces considérations et remercions nos interlocuteurs pour leur écoute et leur intérêt.

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