2018
juin
19

L’A.P.D.E.N. et la Charte des auteurs et des illustrateurs jeunesse

Compte-rendu de rencontre

Le lundi 11 juin 2018, l’A.P.D.E.N., représentée par Géraldine Gosselin, Héloïse Lécaudé et Claire Rouveron, a rencontré Gaëlle Le Berre, directrice de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse [1], et Guillaume Nail, son vice-président et également auteur en littérature de jeunesse [2]. Cette rencontre entre les deux associations est le fruit d’échanges entre Claire Rouveron et Guillaume Nail, lors de la venue de ce dernier à Limoges, invité par l’Association Prix Passerelle(s) [3] à rencontrer des élèves de l’académie les 17 et 18 mai 2018.

Guillaume Nail et Gaëlle Le Berre nous ont, en préambule, présenté la Charte, née en 1975, à l’initiative de Christian Grenier et d’un petit groupe d’auteurs réunis lors d’un salon du livre en Bretagne, auxquels l’organisateur avait refusé la rémunération des rencontres faites pendant trois jours et avait, de surcroît, demandé le règlement de leur poche des frais de déplacement, d’hébergement et de restauration. D’une vingtaine d’auteurs militants à l’origine, la Charte rassemble aujourd’hui plus de 1400 auteurs et illustrateurs de littérature jeunesse.

La défense du statut et des droits des auteurs guide toujours l’action première de la Charte. Plusieurs problématiques inhérentes à ces droits ont un impact direct sur le métier de professeur.e documentaliste et questionnent également le domaine de l’information-documentation.

La gestion du droit sur la lecture publique

Nous avons, dans un premier temps, abordé la gestion du droit sur la lecture publique. Depuis le 1er janvier 2016, la SCELF, Société Civile des Éditeurs de Langue Française, a récupéré cette prérogative, jusque là du ressort de la SACD, Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, et a annoncé appliquer le paiement des droits de représentation à toutes les lectures publiques, qu’elles soient proposées dans un cadre marchand ou gratuit. Poussant la logique (ou plutôt l’absurdité !) jusqu’au bout, cela impliquerait de taxer par exemple les heures du conte en bibliothèque, les lectures faites par des bénévoles d’associations comme Lire ou faire lire ou encore les lectures faites par les professeur.e.s documentalistes au CDI, ainsi que celles assurées par les auteurs eux-mêmes dans le cadre de rencontres en milieu scolaire. Un collectif d’auteurs et de lecteurs amateurs a alors lancé une pétition sous le nom Shéhérazade en colère réclamant « l’exonération de prélèvement SCELF sur les lectures à voix haute proposées dans un cadre non marchand sans billetterie  ». Suite à ce mouvement de protestation, auquel la Charte s’est, bien évidemment, associé avec fermeté, la SCELF a garanti une suspension de perception sur les lectures publiques pour cinq ans [4].

Le développement des salons et festivals littéraires payants

La Charte des auteurs s’interroge sur une tendance constatée, celle de se tourner de plus en plus à l’avenir vers des salons payants. Cette évolution aurait pour conséquence de privilégier les invitations d’auteurs et illustrateurs connus, ou de personnalités médiatiques, au détriment d’artistes plus confidentiels. Ce qui induirait, pour les rencontres dans les établissements scolaires, l’impossibilité de découvrir et faire découvrir aux élèves des auteurs émergents. Un des effets collatéraux serait un affaiblissement de l’offre éditoriale ; les jeunes auteurs n’ayant plus l’occasion de faire connaître leur travail, on peut craindre une plus grande frilosité des éditeurs à publier des inconnus. La richesse et la diversité de nos fonds documentaires seraient également touchées.

"L’affaire Livre Paris" et la rémunération des auteurs

Nous avons poursuivi nos échanges autour des questions du statut social et de la rémunération des auteurs et illustrateurs jeunesse. Du 16 au 19 mars 2018, se tenait, porte de Versailles, le salon Livre Paris, une des plus grandes manifestations littéraires francophones, dont l’entrée est payante et qui engendre des recettes conséquentes. Or, ce salon refusait de rémunérer les auteurs pour leurs interventions en tables rondes ou conférences. Suite à un mouvement de protestation massif, relayé sur de nombreux médias en ligne et réseaux sociaux, la Charte a obtenu gain de cause : la rétribution financière pour tout type de prestations, ateliers comme tables rondes, des auteurs présents au salon est actée [5].

La Fédération des Salons et Fêtes du livre jeunesse [6] a, par la suite, établi une "charte de qualité" pour l’accueil des auteurs dans les différentes manifestions organisées par leurs soins, afin d’harmoniser les pratiques. 

Les États généraux du livre

S’en sont suivis les États généraux du livre, le 22 mai 2018, durant lesquels ont été débattues de nombreuses questions sur le statut social des auteurs (hausse des cotisations sociales, impossibilité structurelle du prélèvement à la source des impôts) ; la Charte a décidé de créer un nouveau site web, #payetonauteur [7] pour dénoncer et lutter contre la précarisation croissante des auteurs et illustrateurs de littérature jeunesse. Est également consultable sur leur site la présentation d’une exposition intitulée "Dans la peau d’un auteur jeunesse", proposée à la location, dans laquelle des auteurs et illustrateurs jeunesse se mettent en scène sur un mode humoristique. Nous vous invitons à contacter le Bureau national de l’A.P.D.E.N. pour plus d’informations sur ce support.

Les rencontres auteurs en établissements scolaires

Il nous a également semblé intéressant de revenir sur les modalités d’organisation de la venue d’auteurs en établissement scolaire. Un tutoriel dédié est également en ligne sur le site de la Charte [8]

Le Bureau national peut se faire le relais entre vous et le conseil d’administration de la Charte pour toute question relative à l’accueil d’un auteur au CDI. Vous trouverez également le répertoire des auteurs chartistes et des formulaires de contact pour les joindre à l’adresse suivante : http://repertoire.la-charte.fr/repertoire

Les autres "chantiers" de la Charte

**Le plan d’action Égalité

A travers sa commission Égalité & Diversité, présidée par Guillaume Nail, la Charte s’intéresse aux questions d’égalité dans la littérature de jeunesse, aussi bien concernant les droits auteurs-autrices, la place de ces dernières dans ce secteur éditorial, que dans les représentations proposées aux lectrices et lecteurs. Ce sont évidemment des sujets capitaux également pour les professeur.e.s documentalistes, dans leur politique d’acquisition et les propositions éditoriales faites aux publics collégiens et lycéens. Le Bureau national poursuivra les échanges avec la Charte sur les problématiques de discrimination et les stéréotypes pouvant être véhiculés dans les œuvres de littérature jeunesse. 

**Voyage à la Foire de Bologne

La Charte organise, depuis six ans, l’opération « Voyage professionnel à la Foire de Bologne ». L’objectif du projet est de permettre à 12 jeunes auteur.trice.s-illustrateur.trice.s résidant en France métropolitaine de développer leur réseau à l’international, et plus largement, de les former à présenter leur travail et à initier des contacts professionnels. L’édition 2018 s’est achevée le 29 mars dernier, vous pouvez en consulter le compte-rendu sur le site [9].

**Emergences [10] ! 

Dernier né du travail de la Charte pour promouvoir la littérature de jeunesse et accompagner des jeunes auteur.trice.s débutant.e.s, le concours de nouvelles émergences ! concerne des textes ciblant un public de 9 à 12 ans. Une initiative à suivre de près pour enrichir nos fonds documentaires de textes de qualité ! 

**Des pistes de partenariat envisagées

Nous avons, à notre tour, présenté l’A.P.D.E.N. à nos interlocuteur.trice.s (qui avaient au préalable pris connaissance de l’organigramme du Bureau national et des orientations 2018 votées en Comité Directeur). Nous avons plus particulièrement abordé la ligne éditoriale de notre revue professionnelle Mediadoc, les temps de réflexion et d’échanges sur les pratiques et évolution de la profession que sont les Congrès trisannuels organisés par le Bureau national et une A.P.D.E.N. locale, ainsi que les journées professionnelles proposées par les A.P.D.E.N. académiques. 

Le prochain congrès de l’association se tiendra à Grenoble, du 22 au 24 mars sur le thème La publication sur le web : un objet pédagogique et didactique pour les professeur.e.s documentalistes. La pertinence d’une contribution de la Charte sur cette problématique nous est apparue évidente, et nous leur avons soumis l’appel à communication [11] de l’évènement. Ce pourrait être l’occasion, peut-être sous forme d’une table ronde, d’échanger autour, par exemple, de la transformation du document et ses enjeux concernant l’auteur.e, le texte, l’éditorialisation, la source.

Nous avons également communiqué à Guillaume Nail et Gaëlle Le Berre, l’appel à contribution permanent pour Mediadoc [12].

Nous avons convenu d’un relais mutuel de nos actions sur nos canaux de communication respectifs. 

Le Bureau national transmettra également à la Charte les informations sur les prix littéraires portés par les adhérent.e.s de l’A.P.D.E.N. afin de promouvoir ces derniers auprès des auteur.trices. Cette démarche peut être intéressante, notamment lorsque des sélections multiples d’ouvrages dans différents prix obligent les auteur.trice.s à faire des choix parmi toutes les sollicitations reçues. 

Une des pistes communes également évoquée serait d’établir des répertoires d’auteurs régionaux afin de faciliter les venues d’auteurs de proximité dans les établissements scolaires, en prenant exemple sur l’annuaire des auteurs du Languedoc-Roussillon [13].

Nous remercions Gaëlle Le Berre et Guillaume Nail pour ces échanges et ces pistes envisagées, sources d’un partenariat prometteur et pérenne. 

Notes

[1Site de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse : http://la-charte.fr/

[2Site professionnel de Guillaume Nail : https://guillaumenail.com/

[3Le Prix Passerelle(s) est un prix de littérature de jeunesse crée par des professeures documentalistes de l’académie de Limoges il y a 7 ans. A l’origine organisé par l’ADBEN Limousin (devenue APDEN Limousin en 2016), le prix a rassemblé des élèves toujours plus nombreux au fil des éditions d’où la décision de créer une seconde association dédiée à son unique organisation, l’Association Prix Passerelle(s) : http://prixpasserelleslimousin.fr/

[4Communiqué de la Charte des auteurs et illustrateurs de jeunesse : suspension de la perception des lectures publiques par la Scelf. Disponible sur : http://la-charte.fr/magazine/dossiers-en-cours/article/suspension-de-la-perception-des?var_recherche=scelf

[5Gary, Nicolas. Livre Paris : tout travail ne mérite-t-il pas salaire pour l’auteur ? ActuaLitté, mars 2018. Disponible sur : https://www.actualitte.com/article/monde-edition/livre-paris-tout-travail-ne-merite-t-il-pas-salaire-pour-l-auteur/87616

[7A l’adresse suivante : https://www.payetonauteur.com/

[8Rencontre d’auteur...mode d’emploi : le 1er tuto de la Fédé des salons et de la Charte. La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse. Disponible sur : http://la-charte.fr/la-charte/realisations/article/rencontre-d-auteur-mode-d-emploi

[9Un voyage à Bologne : retour sur l’édition 2018 . Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse. Disponible sur : http://la-charte.fr/etre-chartiste/formations/voyage-professionnel-a-bologne/article/un-voyage-a-bologne-retour-sur-l

[10émergences ! Les auteurs pour les auteurs : concours de nouvelles...appel à participation ! Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse. Disponible sur : http://la-charte.fr/magazine/evenements/article/emergences-les-auteurs-pour-les

[11Appel à communication : 11e congrès des professeurs documentalistes de l’académie nationale. A.P.D.E.N., 1er avril 2018. Disponible sur : http://www.apden.org/Appel-a-communication.html

[12Revue professionnelle Mediadoc : appel à contribution permanent. A.P.D.E.N., 22 septembre 2016. Disponible sur : http://www.apden.org/Revue-professionnelle-Mediadoc.html

[13A consulter à l’adresse suivante : http://www.lr2l.fr/annuaire/auteurs

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