2. Commentaires libres

Les 650 commentaires rédigés par les collègues répondants sont très variés. Ce sont parfois des textes d'une page entière, parfois quelques mots. La colère revient le plus souvent, autour de la difficulté d'appliquer les textes relatifs aux ORS, mais aussi à l'égard de la réforme et de sa mise en œuvre. S'il n'y a pas de volonté de n'être que professeur devant des groupes-classes, dans le respect de l'ensemble des axes de notre mission, il y a bien volonté d'un cadrage national pour ces apprentissages, assurés par les professeurs documentalistes, seuls ou en interdisciplinarité. Si l'enquête est soumise en 2015, le problème de l'application, dans le contexte de la réforme du collège, est présent, associé au sentiment que cela empire comme nous n'avons aucune heure dans les textes de mise en œuvre des enseignements.

Plusieurs collègues reviennent dans cette possibilité d'expression, sur leur cas personnel, au sujet de leurs difficultés professionnelles : un seul poste pour 700 élèves en collège, pour 1 600 élèves en lycée, aucun espoir d'application des textes sur les ORS, annonce d'un arrêt des apprentissages proposés par le professeur documentaliste dès la rentrée 2016, absence d'intérêt pour l'EMI en lycée... Une collègue se voit répondre par son chef d'établissement : « vos heures d'EMI 6è ne rentrent pas dans le champ d'application du décret, mais vous n'êtes pas obligée de les faire ». Une autre voit ses séances disparaître des emplois du temps après avoir seulement « évoqué » le décret avec son chef d'établissement... On apprend que dans l'académie d'Orléans-Tours, une IPR-EVS a « déclaré qu'une formation initiale en info-doc était, selon elle, "aberrante" », que « l'IA-IPR de l'académie [de Paris] s'est prononcée contre l'application de ce décret tel qu'il est rédigé actuellement, et souhaiterait le voir révisé ».

A contrario certains collègues parviennent au décompte, on l'a observé, et insistent dans les commentaires sur le fait que ce soit associé à une demande raisonnable, d'un nombre d'heures modéré qui ne correspond pas au nombre total de séances pédagogiques. L'aspect de la négociation revient d'ailleurs régulièrement, dans son côté positif comme dans son pendant négatif.

C'est aussi le statu quo, qui ressort, avec ce refus observé dans les réponses aux questions de l'enquête, de demander le décompte tel qu'il pourrait être octroyé de droit. C'est le contexte favorable du collègue qui le conduit à cela, avec un quotidien qui se satisfait de la situation actuelle, parfois sous la forme d'une récupération déguisée par la fermeture du CDI aux élèves, avec alors le temps de préparer et d'évaluer les séances dans l'établissement, au calme. Ce sont aussi les contradictions présentées sur les listes de diffusion professionnelles, entre collègues, qui posent aussi la question, avec le sentiment d'une difficulté supplémentaire à trouver les moyens d'argumenter auprès d'un chef d'établissement quand les interprétations diffèrent au sein même du corps professionnel. Dans le même état d'esprit, certains collègues, c'est marginal, ne sont plus inscrits à l'emploi du temps, pour éviter le décompte, mais se satisfont d'une liberté retrouvée, comme cette inscription leur était imposée par le chef d'établissement... Notons par ailleurs une volonté de certains, relativement importante, que nous avons observé dans l'analyse, celle d'une ouverture large du CDI, qui fait dire qu'il faut recruter, mais à beaucoup d'autres qu'il ne faut pas appliquer le décret et la circulaire, l'argument du besoin des élèves venant parfois donc remettre en question toute avancée statutaire, quand bien même elle serait légitime. Mais plusieurs collègues sont aussi gênés de faire appliquer le décompte car, nous l'avions observé dans l'enquête de 2014, certains préparent et évaluent les séances pédagogiques au CDI, ce qui rejoint une remarque précédente, mais aussi sur le temps dévolu normalement aux relations extérieures. C'est bien alors le manque d'évolution de réflexion institutionnelle sur le métier qui pose problème, ici.

Ressort aussi, et là de manière flagrante, évidente, et c'est une conclusion sans doute à cet exercice de synthèse des commentaires, l'aberration du pilotage institutionnel, sans réflexions avancées sur le statut des professeurs documentalistes, sans logique claire, dans les différents textes, parfois contradictoires, dans les positionnements plus ou moins formels, au niveau national ou au niveau académique. Cela ressort de l'analyse des réponses, en particulier quant à cette indécision importante des interlocuteurs, ou quant à la liberté d'interprétations qui peuvent se faire dans le non-respect du droit. C'est là un vrai problème pour la profession, avec ensuite bien sûr l'absence de politique de création de postes en proportion du nombre d'élèves. Quid des avis contradictoires, dans un même établissement, entre chef d'établissement, adjoint, CPE, gestionnaire, collègues ? L'absence de garantie d'exercice pour le professeur documentaliste revient souvent. C'est l'inégalité qui prime, dans les textes de cadrage, vu les libertés d'interprétation, vu les difficultés de leur application dans le contexte actuel.