Enquête diagnostique des connaissances en information-documentation des élèves du secondaire en France

Introduction

C'est au milieu des années 2000, alors que la didactique de l'information-documentation commençait à livrer ses premiers travaux sur les savoirs à enseigner, que s'est posée avec acuité la question des connaissances des élèves. Afin de rendre plus efficaces et plus pertinentes les formations, ne fallait-il pas commencer par dresser l'inventaire de ce qu'ils savaient déjà et de ce qu'ils ignoraient encore, au début comme à la fin de leur cursus dans le secondaire ? Après trois décennies de formations principalement axées sur la méthodologie documentaire et la maîtrise de l'information (information literacy), et au commencement d'un nouveau paradigme pédagogique orienté vers ce que l'on nommait alors la culture de l'information, et qui correspond aujourd'hui à l'éducation aux médias et à l'information, il semblait largement temps de dresser le bilan de l'action de l'école en matière d'apprentissages info-documentaires. Si les années 80 avaient établi l'intérêt de la médiation documentaire dans les apprentissages disciplinaires du secondaire et les années 90 celui du rapport à l'affiliation des étudiants dans le supérieur, les années 2000 allaient élargir ces enjeux à la construction de la citoyenneté et de l'employabilité. Aujourd'hui, la prise de conscience de la nécessité de détenir un solide bagage de culture, de compétences et de connaissances info-documentaires semble réelle pour tous les acteurs de la société civile, notamment depuis que l'internet et le web 2.0 ont densifié notre environnement informationnel, médiatique et numérique. Les yeux se tournent donc vers l'institution École, responsable de l'organisation des études, des programmes et des personnels, pour interroger son action dans la construction de ce bagage.

Partant de l'expérience vécue par les élèves du secondaire, il est sans doute préférable de parler de « parcours » plutôt que d'enseignement, ou même de formation, pour qualifier la discontinuité des apprentissages qu'ils ont effectués. À part une formation initiale reçue en 6ème, selon des modalités très disparates et des contenus laissés à l'appréciation des acteurs locaux que sont les professeurs documentalistes de chaque établissement, on sait qu'ils n'ont bénéficié par la suite que de séances ponctuelles, semées au gré des opportunités saisies dans les programmes disciplinaires et à l'occasion de quelques dispositifs éducatifs et pédagogiques. Opportunités entretenues par des partenariats flottants et des bonnes volontés, le tout assujetti à de fortes contraintes de temps et d'énergie. Que reste-t-il donc de ces apprentissages à la fin du lycée, au terme de ces sept années que dure le secondaire ? Le rapport de l'Inspection générale des bibliothèques (IGB) sur l'articulation entre « Documentation et formation », publié en décembre 2014, semble tirer les conséquences de cet état de fait. Il constate en effet que les étudiants « ne semblent guère familiarisés aux nouvelles technologies de recherche » et qu'ils conservent « un fort attachement aux documents papier ». Peut-on espérer une amélioration lorsque l'on apprend que moins de 13% de la population étudiante bénéficie d'une formation documentaire intégrée dans un cursus ? ( IGB 2013[1])

Il est par ailleurs étonnant de constater qu'il n'existe aucune évaluation nationale qui rende compte des compétences et des connaissances acquises dans le domaine de l'information-documentation. Aucune grille d'évaluation, aucun indicateur proposé sur un support institutionnel ne permet de se faire la moindre idée de ce que les élèves acquièrent au cours et au terme de leurs années de collège et de lycée. Ces savoirs scolaires ne semblent pas être considérés comme tels puisqu'ils n'apparaissent pas, hormis une dispersion non rationalisée dans divers programmes disciplinaires, dans les certifications nationales de fin de cycle, le brevet des collèges et le baccalauréat. Il existe bien les validations du B2i, mais peut-on les compter au rang d'évaluation nationale alors qu'elles ne font l'objet d'aucun bilan national ? Ces validations sont par ailleurs aléatoires et peu fiables, réalisées par des acteurs non formés, sans formation dispensée aux élèves en amont et dont les contenus confondent compétences instrumentales et compétences procédurales tout en excluant les connaissances. Pourtant, disposer de données évaluatives, significatives et objectives, permettant de juger des performances d'une génération d'élèves au terme d'un cursus, semble une condition indispensable pour nourrir la réflexion didactique et pédagogique, et engager les acteurs dans un processus d'amélioration des situations d'enseignement-apprentissage. Ainsi la mesure des résultats obtenus au terme d'une formation engage-t-elle de manière rétro-active ses responsables en leur fournissant les informations dont ils ont besoin pour se rendre encore plus efficaces.

C'est bien là le but et l'intérêt d'une telle démarche évaluative que de renforcer la cohérence et la pertinence des actions de formation. Faute de quoi, les professeurs documentalistes, principaux responsables de l'enseignement de l'information-documentation, sont contraints de naviguer à vue. Privés d'une vision générale des attendus et des aboutissements de leur action, ils en restent souvent à ce qu'ils expérimentent localement, à ce qu'ils observent au cas par cas et aux constats subjectifs qu'ils en tirent. Limités par les contextes particuliers dans lesquels ils exercent, sans ouverture suffisante à ce que produit et ce à quoi aboutit la profession dans son ensemble, ils sont condamnés à n'être que d'éternels pionniers et explorateurs du domaine qu'ils sont censés couvrir et baliser. Comment dès lors établir des projets de formation et des progressions solides et rationnelles ?

L'évaluation des connaissances et des compétences acquises par les élèves tout au long de leur cursus dans le secondaire, menée ici, peut apporter ces repères objectifs dont les professeurs documentalistes ont besoin pour travailler et se constituer en tant que profession en charge d'un enseignement spécifique. Les données récoltées devraient également alimenter la réflexion sur l'élaboration d'un curriculum en information-documentation. Elles offrent la possibilité de vérifier les niveaux de maîtrise acquis ou en voie d'acquisition, d'identifier les lacunes et de mesurer leur importance, de repérer les besoins et de les ordonner en priorités. L'enquête diagnostique de la FADBEN, conduite de 2011 à 2012 pour les niveaux 6ème, 3ème, 2nde et Terminale, entend apporter de telles réponses aux professeurs documentalistes, bien entendu, mais également à tous les acteurs responsables de la construction de l'information-documentation en France, chercheurs, institutionnels et professionnels divers. Des données rapportées et analysées peuvent contribuer à renouveler la réflexion sur l'organisation et les contenus de ces apprentissages et, si possible, conduire à faire offre de formation au travers de suggestions didactiques et pédagogiques.

La significativité de l'enquête est en partie établie par le nombre important d'élèves, autour de 9000, testés sur ces quatre niveaux. Cela représente 235 établissements répartis dans 30 académies et 624 classes sollicitées. Le questionnaire proposé présentait 30 questions, dont la moitié reprenait un questionnaire de référence bâti par des universités du Québec (CREPUQ) en 2003, afin de pouvoir établir des comparaisons, et l'autre moitié proposait des questions inédites couvrant des compétences et des connaissances jugées plus en phase avec les apprentissages actuels. Les questions proposaient des choix uniques et multiples. Leur formulation pouvaient être de type procédural (axée sur la stratégie) ou déclaratif (axée sur la connaissance), comprenant des analyses de cas.

L'équipe de travail, constituée dès la fin de l'année 2009, a rassemblé quatre professeurs documentalistes en poste et deux formateurs ESPE.

Le document de synthèse de l'enquête FADBEN s'ouvre sur une présentation des buts recherchés et des moyens méthodologiques et techniques mobilisés pour les atteindre. Les résultats et analyses sont ensuite exposés selon l'ordre des sept notions organisatrices définies par le groupe de travail FADBEN sur les savoirs scolaires en information-documentation (2007). Avant que ne soient proposées des pistes pédagogiques pour renouveler la réflexion sur les situations d'enseignement-apprentissage, trois synthèses permettent de s'approprier les résultats de l'étude, dont un bilan sur les comparaisons internationales qui peuvent être établies avec l'enquête française.

  1. 1

    FRANCE. MEN-ESR, IGB. Documentation et formation. Rapport n°2015-0010. Décembre 2014. Disponible sur http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2015/64/1/Rapport_F_et_D_19_dec_revu_15_janv._CM_JC_recto-verso_391641.pdf

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